Imaginez l'étonnement du patron de l'Université René Descartes, Frédéric Dardel, quand il a vu, devant sa fac, un camion portant une affiche avec un couple en ébat et ces mots : "Romantique, passion et pas de prêts étudiants, sortez avec un sugar daddy ou une sugar mama !". Une publicité pour un site de rencontre qui propose à des jeunes gens de rechercher un mode de vie qui leur permet de réaliser leurs rêves et d'atteindre leurs objectifs futurs. Traduction : c'est un site internet incitant à la prostitution !
"En échange d'un dîner, d'une soirée ou d'une nuit ensemble", explique le site, "des gentlemens établis dans la vie et qui ont une épouse ou une famille, peuvent offrir de l'argent de poche ou rembourser les dettes des jeunes filles". Alors bien sûr, on joue sur les mots : on ne s'adresse qu'à des personnes majeures et on précise qu'il ne s'agit que de rencontres et que chacun est libre d'aller jusqu'où il veut. C'est ce que l'on appelle se moquer du monde ! Et on adorerait rencontrer les élégants gentlemens en question.
Dans la mesure où ce sont des adultes, que peut-on faire ? C'est là tout le débat, le site a déjà fait parler de lui en Belgique avec le même genre de publicité, suggérant aux étudiantes d'améliorer leur mode de vie. À l'époque, le parquet de Bruxelles avait ouvert une enquête pour incitation à la débauche. Le patron du site s'était d'ailleurs dit "choqué" des conséquences de sa publicité. Pensez donc, le pauvre ne pouvait pas prévoir que des esprits mal tournés interpréterait ça de cette façon. Du coup, il recommence.
En France, cela peut s'apparenter à du proxénétisme puisque le site gagne de l'argent en incitant explicitement à une rétribution contre une nuit, donc ça s'appelle de la prostitution. Mais la question juridique ne doit surtout pas effacer l'essentiel, c'est-à-dire la question morale et sociale. La prostitution, les types mariés qui se paient des danseuses, ça a toujours existé. Mais la prostitution en milieu étudiant, c'est un phénomène en expansion. Mélange de misère étudiante - pour des jeunes gens qui font des études de plus en plus longues sans que leur famille puissent les aider - et de rapports de plus en plus distanciés à son corps pour une génération élevée aux vidéos pornographiques et au consumérisme, jusqu'à considérer qu'une prestation sexuelle n'est qu'un service qui peut valoir un sac à main ou une mensualité de prêt étudiant.
Il serait un peu facile de se scandaliser en oubliant que toute notre société incite à banaliser cela !
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