Emmanuel Macron affiche clairement l’objectif de s’imposer comme un leader sur la scène internationale. À ceci près que nous sommes face à une ambiguïté : quand il proclame que Europe is back, on reste quand même sceptique. Bien sûr, son voyage en Chine a été une réussite de communication, et en matière de politique étrangère, la communication est essentielle. La puissance est une prophétie auto-réalisatrice : il faut se comporter comme un puissant pour être regardé comme un puissant.
Les précédents quinquennats nous avaient habitué à un tel renoncement à toute forme d’existence sur la scène internationale que la différence est vertigineuse. Grâce à François Hollande, les Chinois considéraient la France comme un pays en déclin, méprisable car ayant volontairement abandonné ce qui faisait sa force, et tout juste bon à leur vendre du luxe et des vins. Emmanuel Macron, lui, arrive à un moment où Angela Merkel est privée de toute voix et ne peut plus apparaître comme la présidente de fait d’une Europe soumise à ses desiderata. Très bien, mais les circonstances suffiront-elles sur le long terme ?
Quelles sont les marges de manœuvre de Macron ? En Chine, il parle économie. Très bien ! Plaider pour l’équilibre des relations, c’est très gentil, mais on doute que ça limite les appétits chinois ! Et quand il réunit ensuite le "Med 7" (Italie, Espagne, Portugal, Grèce, Chypre et Malte), il peut là aussi apparaître en leader de l’Europe, mais de quelle Europe ? Dans les précédentes réunions de ce petit club, on se proposait de promouvoir les politiques de relance et d’approfondir l’Union après le Brexit. Là, on a parlé frontières extérieures, sécurité, croissance… Bref, on s’est fait plaisir, Emmanuel Macron a été une fois de plus présenté comme un gagneur, celui à qui tout sourit et qui agit, mais quant à savoir sur quoi ça peut déboucher...
À l’échelle du monde comme à l’échelle de l’Europe, rééquilibrer les rapports de force, ça prendra du temps. Macron chef de l’Europe ? Oui, quand il aura imposé à l’Allemagne la fin du dumping fiscal et social et un véritable protectionnisme européen pour répondre au libre-échange totalement déséquilibré des Chinois…
Réécoutez en podcast l’édito de Natacha Polony dans le Grand Matin Sud Radio