Comment vivre au quotidien à côté d’un point de deal ?
Ce mardi, l'auditorium Moonshot Labs de Grenoble devait recevoir une pièce de théâtre nommée "Les copains d'en bas", racontant l'histoire de Ben et Charlotte, un couple de trentenaires qui a décidé de déménager dans une cité HLM. Seulement, les affiches publicitaires de la pièce font polémique : le sous-titre propose une accroche pour le moins cash, "Comment vivre au quotidien à proximité d'un point de deal ?". On en parle avec Alain Carignon, ancien maire de Grenoble.
Les invités
André Bercoff met en lumière, du lundi au jeudi, un événement d'actualité qui fait polémique. À retrouver sur Sud Radio et en podcast.
Retrouvez ci-dessous la retranscription automatique des 5 premières minutes de votre émission :
"Grenoble à peu près à 60-65% de plus de délinquance que la moyenne des villes comparables"
André Bercoff : « Viens chez moi, j'habite chez une copine. » Non, non, non, non, là, il ne s'agissait surtout pas de ça. Renaud, c'est les copains d'en bas. Encore une fois, comment vivre au quotidien à proximité d'un point de deal. La ville de Grenoble vous invite à ce spectacle entre théâtres et récits comptés sur l'avis d'un jeune couple qui décide d'habiter dans une cité HLM pour vivre la mixité sociale. Voilà, tout est dit, on coche toutes les cases, le jeune couple, la cité HLM, la mixité sociale. Mais, mais, mais, mais, et là aussi, c'est très répandu, qu'est-ce qu'il y a ? Eh ben, il y a un point de deal. Et oui, pas seulement à Grenoble, mais un peu partout. Alors, comment on fait pour exister ? Coexister, pardon, alors, il y a eu toute une série, effectivement, de polémiques, et le spectacle n'aura pas lieu en tout cas à Grenoble, mais, mais, voilà, et l'équipe de Artiflette qui produisait le spectacle, ils le faisaient, le regrettent, ils ont joué partout, mais voilà, on s'est mal compris, etc. Alors, on devrait savoir, d'ailleurs, Eric Piolle, l'actuel maire de Grenoble, devait assister à la représentation, qui, encore une fois, n'aura pas lieu. Alain Carignon, bonjour. Est-ce qu'Alain Carignon est présent ?
Alain Carignon : Bonjour ?
André Bercoff : Ah oui, bonjour Alain Carignon. Bonjour, vous avez été ministre, vous avez été maire de Grenoble très longtemps, et je voudrais savoir ce que ça vous inspire, cette représentation qui n'a pas eu lieu, mais le problème c'est, voilà, il y a des points de deal, comment on fait pour vivre et pour coexister avec un point de deal, et c'est étonnant parce qu'il n'y a pas que à Grenoble, ça existe en énormément de villes de France, et qu'est-ce que ça vous inspire ?
Alain Carignon : D'abord, il n'y a pas qu'à Grenoble, mais on est à Grenoble à peu près à 60-65% de plus de délinquance que la moyenne des villes comparables, donc on est quand même bien placé, si j'ose dire.
André Bercoff : 60 à 65% de plus ?
Alain Carignon :De plus, j'ajoute ce que vous dites, la pièce devait avoir lieu, mais pourquoi elle est annulée ? Parce que la municipalité a détourné la pièce à son profit, c'est elle qui a ajouté sur l'affiche de la pièce, comment vivre au quotidien à proximité d'un point de deal.
"Il faut apprendre à vivre avec le terrorisme à un moment donné."
André Bercoff : Ah, c'est la municipalité qui a ajouté ça ?
Alain Carignon : D'accord. Donc d'abord, elle a attaqué la création culturelle, elle a détourné l'affiche d'un théâtre, qui pose un problème d'ailleurs par rapport à la liberté culturelle, comment une municipalité, sous prétest qu'elle subventionne, détourne l'esprit d'une pièce. La pièce était le multiculturalisme classique, c'est-à-dire toutes les civilisations cohabitent très bien, c'est les bisounours, tout le monde va bien ensemble, bon c'est bien, c'est une thèse qu'on peut défendre dans le pluralisme politique. Mais la municipalité, comme elle veut que les Grenoblois s'accoutument à la délinquance, elle a ajouté cela pour expliquer qu'en réalité, il ne faut pas lutter contre elle, il faut s'adapter à elle.
André Bercoff : Oui, comme disait Manuel Valls, il faut apprendre à vivre avec le terrorisme à un moment donné, c'était ça. Mais dis-moi...
Alain Carignon : C'est ça, donc Eric Piolle refuse les caméras de vidéoprotection, il refuse d'armer sa police municipale, il refuse qu'elle entre dans deux tiers des quartiers de la ville puisqu'elle n'est pas armée, et donc il laisse le pouvoir à la délinquance et il dit aux gens qui montent dans les immeubles, qui doivent enjamber les délinquantes, qui doivent baisser les yeux et qui doivent surtout ne pas appeler la police sous peine de représailles, il leur dit, écoutez, on va vous expliquer comment faire pour vous adapter à tout ça. Moi, j'ai une personne, une dame, une mère de famille, André Bercoff, une mère de famille qui m'a dit, je demande à mes enfants de venir me voir le moins souvent possible dans ma cité. Vous vous rendez compte ? Une mère qui demande ça, pourquoi ? Parce qu'elle a peur pour eux. Vous vous rendez compte ? La municipalité rouge-vert, parce que c'est des rouges-vert, leur demande d'accepter ça, de s'adapter à ça.
André Bercoff : Vraiment, à votre avis, elle leur demande ça ? Pourquoi ? Parce qu'effectivement, moi, quand j'ai lu, et on voulait parler du spectacle quand on m'a montré cela, je me suis dit, mais attendez, il faudrait peut-être se dire que les points de deal, ils pourraient peut-être être démantelés, je ne sais pas, c'est peut-être naïf ou totalement utopique, mais peut-être commencerait-on, on devrait commencer par s'attaquer justement à ces points de deal au lieu de demander de vivre ensemble ?
Alain Carignon : Il n'en est pas question pour Eric Piolle, puisque les attributions de logement dont les élus sont maîtres, puisqu'ils maîtrisent les HLM, les attributions de logement créent les ghettos, créent cette situation, il n'y a aucune expulsion par exemple de quelqu'un qui est condamné. (...)