Les pompiers peuvent-ils encore intervenir en toute sécurité dans certains quartiers ?
Vendredi soir, en pleine intervention dans le quartier du Val-Fourré à Mantes-la-Jolie, des sapeurs-pompiers ont été la cible de projectiles. Plusieurs d'entre eux ont alors décidé de courir après l'un des assaillants. Une réaction pour le moins surprenante.. sauf si les prises à parti sont récurrentes pour ce corps de métier ? On en parle avec Michel Santamaria, lieutenant-colonel pour la Fédération Nationale des Sapeurs-Pompiers.
Les invités
André Bercoff met en lumière, du lundi au jeudi, un événement d'actualité qui fait polémique. À retrouver sur Sud Radio et en podcast.
Retrouvez ci-dessous la retranscription automatique des 5 premières minutes de votre émission :
"Les pompiers arrivent pour sauver, sauver des gens des incendies, sauver des incendies de forêt, sauver des gens."
André Bercoff : Voilà, ça c'est gentil, c'est une comptine. Voilà, la maison qui brûle. Oui, il faut se rappeler pourquoi sont là les pompiers. Les pompiers arrivent sans armes. Les pompiers arrivent pour sauver, sauver des gens des incendies, sauver des incendies de forêt, sauver les gens. Ils sont là, c'est leur métier, c'est leur vocation. Ils sont là pour ça. Et puis ça fait des années et des années, il faut le dire, c'est pas nouveau, qu'ils se font caillasser, qu'ils se font quelquefois piéger, qu'ils sont appelés pour un incendie, pour un incident, ou pour un attentat ou quelque chose. Et puis ils se font piéger, massacrer. Et là, il y a même quelque chose d'étonnant avant de l'histoire dans le quartier de Valfourais. Très simple, des pompiers, ils faisaient une intervention. Après plusieurs incendies volontaires déclenchés vendredi, donc il y a quelques jours. Et puis les hommes ont été pris à partie. Leur camion a été attaqué par des inconnus qui leur ont lancé des projectiles dans le secteur des Garennes. Mais là, les pompiers ne se sont pas laissés faire. Ils ont poursuivi leurs assaillants. Je ne sais pas s'ils les ont attrapés ou pas. Bonjour Michel Santamaria.
Michel Santamaria : Bonjour.
André Bercoff : Bonjour, vous êtes lieutenant-colonel. Vous êtes à part de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers. Dites-moi cette situation-là. Ça fait combien de temps qu'on a vu vraiment quelque chose qui se passe alors que les pompiers étaient depuis toujours accueillis avec, je ne dirais pas les honneurs du Alaron, mais comme des sauveteurs. Qu'est-ce qui se passe, cette espèce d'animosité qui arrive au stade où il y a des incendies volontaires et où on vient et on se fait caillasser ?
Michel Santamaria : Oui, je voudrais peut-être juste revenir sur votre présentation en introduction, avec la chanson Au feu les pompiers. Aujourd'hui, les pompiers, c'est des pompiers de la vie. Puisque 80% de nos interventions sont de secours à personne. Et donc au-delà des peu qu'on voit, parce que c'est plus visible, aujourd'hui nos sapeurs-pompiers interviennent 80% du temps sur le secours à personne. Ceci étant dit, ça fait plusieurs années qu'on voit une montée de violence à notre société et impactée aussi chez les sapeurs-pompiers. Aujourd'hui, plus de 1072 actes de civilité ont été recensés sur le territoire national et pas exclusivement dans les zones sensibles ou les quartiers sensibles. Donc on voit que cette agressivité couvre l'ensemble des départements de France, voire ultramarins. Et donc aujourd'hui, cette problématique de violence, on peut le mesurer à pratiquement plus de 3 interventions par jour. Vous vous rendez compte, 3 interventions par jour où les sapeurs-pompiers sont caillassés pour 40 jours.
"48% sont des agressions verbales, mais 38% sont des agressions physiques."
André Bercoff : Vous voulez dire 3 fois par jour, sur 3 interventions par jour, les pompiers sont caillassés ? C'est-à-dire, il y a 3 interventions par jour auxquelles ils sont acteurs et ils se font agresser ?
Michel Santamaria : Exactement, ce n'est pas que caillasser, c'est 48% de nos interventions pour agression aux sapeurs-pompiers. 48% sont des agressions verbales, mais 38% sont des agressions physiques. Donc ça veut dire qu'aujourd'hui, outre les objets qui sont lancés sur les véhicules, nos sapeurs-pompiers sont agressés physiquement dans les ambulances, dans la cellule de l'ambulance ou dès lors qu'ils portent secours ou un domicile avec la famille. Donc ce n'est plus possible. On peut comprendre la réaction de nos collègues qui, à un moment donné, voient pour venir protéger, pour venir éteindre un incendie, venir sur les lieux et se faire caillasser, poursuivre la personne qui lance des pierres.
André Bercoff : On le comprend.
Michel Santamaria : C'est un ras-le-bol. Aujourd'hui, si le message devait passer, c'est ce ras-le-bol que je voulais signaler. Depuis trois ans, puisque je suis membre de l'Observatoire national des violences envers les sapeurs-pompiers qui a été mis en place auprès de la direction générale de la sécurité civile et la gestion des crises attachées au ministère de l'Intérieur, on mesure maintenant cette violence puisque vous m'avez posé la question depuis combien d'années. On peut dire que depuis deux ou trois ans, on arrive à quantifier, parce que jusqu'à présent les pompiers n'allaient pas faire la démarche d'aller porter plainte dans les commissariats ou dans les brigades de gendarmerie.
André Bercoff : Alors justement, depuis deux ou trois ans, même en deux ou trois ans, on voit une aggravation. (...)