Entretien avec Alain Juillet, ex-directeur de la DGSE !
André Bercoff reçoit Alain Juillet, ex-directeur du renseignement de la DGSE, pour faire l'état des lieux de la situation en France.
Les invités
Du lundi au jeudi, André Bercoff donne la parole à des écrivains pour parler de leur nouveau livre et vous donne la parole pour réagir en direct avec notre invité. À retrouver sur Sud Radio et en podcast.
Retrouvez ci-dessous la retranscription automatique des 3 premières minutes de votre émission :
"Qu'est-ce qui fait qu'il y a un tel fossé, la plupart du temps, entre ces narratifs et on les vit en ce moment, et le réel ?"
André Bercoff : Alors Alain Juillet, je suis très heureux de recevoir Alain Juillet, nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises et dans des conférences et ça fait toujours vraiment plaisir de l'entendre et on apprend. Alors, être directeur du renseignement de la DGSE, il faut le rappeler, et ancien responsable chargé de l'intelligence économique auprès du Premier ministre français. Alors Alain Juillet, vous aussi, vous n'avez pas votre langue dans votre poche et vous avez le plaisir de la distance et la lucidité, c'est toujours bon à prendre ça. Au fond, je voudrais commencer par parler un peu de ce qui se passe, de ce qu'on a eu depuis en géopolitique, que ce soit Russie-Ukraine d'un côté et Proche-Orient de l'autre. Mais moi je voudrais vraiment que vous me disiez ce que vous pensez des narratives que l'on peut entendre. Que ce soit de la part des responsables. Que ce soit de la part d'un certain nombre de médias et de la réalité. Qu'est-ce qui fait qu'il y a un tel, je dirais pas abîme, mais quand même un tel fossé, la plupart du temps, entre ces narratifs et on les vit en ce moment, et le réel ?
Alain Juillet : Alors il y a plusieurs choses en définitive. D'abord il y a le fait que les gens, est-ce que c'est par conditionnement, est-ce que c'est par habitude, c'est difficile de le dire, mais les gens en général, le public en général, maintenant réagit à l'émotion, il ne réagit plus sur le rationnel, c'est très frappant. Donc tout ce qui se passe est interprété sous le côté émotionnel, par le côté émotionnel, et du même coup, on passe complètement à côté de la réalité telle qu'elle est. Ce que vous venez de dire, d'ailleurs si vous regardez sur l'Eurovision, que j'écoute à l'instant, où en définitive, les gens, le public a voté émotionnellement, n'a absolument pas voté sur la qualité des candidats, parce que s'ils avaient voté vraiment sur la qualité des candidats, le classement n'aurait rien à voir. Bien sûr. Avec le classement qu'on a vu, on est en plein là-dedans, ça c'est le premier point. Le deuxième, c'est qu'il faut bien voir que nous sommes rentrés dans un monde dans lequel l'influence, les opérations d'influence, menées par d'autres pays, et pas seulement d'un côté, mais de tous les côtés, car c'est à ça qu'il faut voir.
"Des manipulations de l'information qui sont faites par des ennemis de la France, comme par des amis de la France."
André Bercoff : Vous voulez dire la guerre de l'information ?
Alain Juillet : Voilà, la guerre de l'information maintenant elle est générale, et on a des manipulations de l'information qui sont faites par des ennemis de la France, comme par des amis de la France. Quand vous voyez ce qui s'est passé en Ukraine par exemple, il est évident qu'il y a eu une manipulation de l'information dans tous les sens. D'un côté par les Russes, mais de l'autre côté par les Américains et par, je dirais, les principaux acteurs de l'OTAN. Quand vous voyez l'histoire d'Israël et de la Palestine, on voit qu'évidemment il y a des opérations d'influence dans les deux sens. Alors toute la difficulté là-dedans, c'est essayer de voir, de tirer le bon grain de l'histoire, de livrer, d'extraire le bon grain de livrer, c'est pas facile, parce que pour ça il faut être très rationnel, et puis il ne faut pas croire ce qu'on entend directement. (...)