Les États prédateurs : explications avec François-Xavier Carayon.
"Le fiasco de la vente d’Alstom en 2014, la pandémie et la guerre en Ukraine auraient ouvert les yeux de nos dirigeants sur nos vulnérabilités économiques et nos dépendances stratégiques. À vrai dire, ces derniers en ont été, depuis trente ans, les naïfs organisateurs, d’abord bercés dans l’utopie de la « mondialisation heureuse », puis paralysés par la crainte de se couper des capitaux étrangers. Mais le péril le plus grand est encore devant nous. Dans l’ombre, des États prédateurs – Chine en tête, mais aussi d’autres pays asiatiques et du Golfe – se sont dotés d’armes de guerre économique d’un nouveau genre. Ces armes, ce sont leurs fonds souverains et leurs entreprises publiques. Jadis de simples outils à vocation domestique, ils sont devenus de véritables instruments de conquête internationale". On en parle avec François-Xavier Carayon, auteur de "Les États prédateurs" (éd. Fayard).
Les invités
Du lundi au jeudi, André Bercoff donne la parole à des écrivains pour parler de leur nouveau livre et vous donne la parole pour réagir en direct avec notre invité. À retrouver sur Sud Radio et en podcast.
Retrouvez ci-dessous la retranscription automatique des 3 premières minutes de votre émission :
"L'histoire de la fin de l'histoire."
André Bercoff : Bonjour, alors les états prédateurs, moi je voulais qu'on en parle parce qu'effectivement on s'est dit allez, on va faire toute l'émission sur les élections, on aura le temps de revenir, d'en parler largement puisque dans trois semaines ce sont les élections législatives, donc on a absolument tout le temps d'en parler. Maintenant, j'ai lu ce livre, j'ai reçu votre livre, François-Xavier Carayon, et c'est vraiment intéressant parce que vous racontez l'histoire de la fin de l'histoire. Rappelez-vous, pour ceux qui étaient déjà nés en 2000, c'était Francis Fukuyama qui racontait que c'était fini, le capitalisme libéral avait gagné, le marché avait gagné, c'était le laisser-faire, laisser-aller, et puis aujourd'hui, ce que vous dites, nous sommes en 2024, mais le paysage a changé, le paysage mondial a changé de façon incroyable, et aujourd'hui, c'est la victoire en tout cas, annoncée, déjà existante, déjà incarnée, des fonds souverains et des entreprises publiques. Les états ont repris en tout cas en partie le pouvoir, et c'est surtout les états, BRICS et compagnie, moins les européens peut-être que les autres.
François-Xavier Carayon : Exactement. Ce qui est important de comprendre, c'est que ces états-là n'ont pas du retard sur les trajectoires occidentales, européennes, etc. La fin de l'histoire, ça a touché tout le monde. C'est-à-dire que c'est un peu plus tôt que ça, c'est à partir de la chute du mur de Berlin et puis 1992 pour l'article de Fukuyama, mais à partir de ce moment-là, on se dit que le marché doit dominer, que l'État est forcément quelque chose d'un peu ringard, son rôle dans l'économie est forcément appelé à reculer, ça va être vrai en Europe, mais c'est vrai aussi en Chine, où il va y avoir des vagues de privatisations massives, ça va être le cas aussi en Inde, ailleurs en Asie. Donc le phénomène du retour de l'État dans ces pays-là, dans les BRICS, comme vous dites justement, au Moyen-Orient aussi, n'est pas la queue de comète d'un phénomène ancien, c'est au contraire une nouvelle arme qu'ils se sont forgées à partir du début des années 2000 pour l'essentiel.
"Qu'est-ce que c'est qu'un fonds souverain ?"
André Bercoff : Alors justement, à partir des années 2000, ça s'est passé comment ? Je voudrais qu'on explique un peu ce que sont, d'ailleurs pour nos éditeurs, qu'est-ce que c'est qu'un fonds souverain, très exactement, et comment ça fonctionne ?
François-Xavier Carayon : Oui c'est ça, le terme peut paraître un peu barbare, ce qu'il faut comprendre c'est que les fonds souverains, c'est des fonds qui sont créés par les États, donc des véhicules d'investissement financiers créés par les États, alors ils existent depuis longtemps, les fonds souverains, historiquement, ils sont nés au Moyen-Orient pour pouvoir utiliser les excédents de la rente pétrolière ou gazière, les rentes d'hydrocarbures, et les réinvestir pour préparer l'avenir en fait, pour créer une sorte d'épargne intergénérationnelle dans ces pays-là. (...)