Farmers use agricultural vehicles to throw straw and manure at the DRAAF Bretagne (Regional direction of food, agriculture and forests) building during a demonstration called by the main farmers unions to protest against "administrative pressure", different laws in France and in some importation countries, in Rennes, western France, on December 6, 2023. (Photo by LOIC VENANCE / AFP)
Les agriculteurs en colère peuvent-ils vraiment être entendus ?
Hausse des taxes, prolifération des normes, menaces sur la souveraineté alimentaire... la colère des agriculteurs gronde et ne fait qu'empirer. Opérations escargot en tracteur, déversement de lisier, jets d'oeufs : plusieurs milliers d'agriculteurs ont manifesté mercredi 06 décembre dans plusieurs villes de Bretagne, notamment à Rennes et Saint-Brieuc, pour exprimer leur mécontentement. Mais leur colère sera-t-elle entendue par les pouvoirs publics ? Pour en parler, André Bercoff reçoit Philippe Grégoire, responsable national agricole de la République souveraine.
Les invités
Accompagné d'un invité expert, André Bercoff détaille pour vous, du lundi au jeudi, un fait marquant de l'actualité du jour. À retrouver sur Sud Radio et en podcast.
Retrouvez ci-dessous la retranscription automatique des 5 premières minutes de votre émission :
André Bercoff : Très très très belle chanson de Pierre Bachelet. Paysan tu es, paysan tu seras. Ah oui ? Ça peut encore se conjuguer au futur, mais pour combien de temps ? Bonjour Philippe Grégoire. (Bonjour.) Philippe Grégoire, vous êtes responsable national agricole de la République souveraine, et vous êtes aussi à l'année fondateur, en tout cas président du SAMU social agricole. Nous avons discuté et vous avez envoyé un mot en disant, écoutez, il faut quand même, pour parler de cela, revenir à l'essentiel. Et l'essentiel, il faut le dire, c'est qu'il y avait encore dans les années 60, corrigez-moi si je me trompe, pratiquement 1,2 million d'agriculteurs en France, il n'y en a plus que 400 000, en 60 ans, ça a diminué de 2 tiers, c'est bien ça ? (Oui c'est ça.( Oui. Alors, Philippe Grégoire, qu'est-ce qui s'est passé, qu'est-ce qui se passe pour qu'on en arrive là avec, effectivement, 20% des agriculteurs qui vivent plutôt bien, ou en tout cas très correctement, et 80% des agriculteurs, c'est ce qu'on avait dit, qui vivent très mal. Concrètement, ça veut dire quoi ?
Philippe Grégoire : Alors, si vous voulez, concrètement, vous avez parlé des manifestations, et vous avez parlé de guerre économique, effectivement, on est bien dans une guerre économique. C'est pour bien le comprendre, pourquoi, là il y a eu des manifestations, pour que les auditeurs comprennent pourquoi il n'y aura pas de condamnation, si les gilets jaunes retournaient tous les panneaux ou faisaient ce que font la FNSEA, il y a longtemps qu'ils seraient en prison. Pour le comprendre, il faut faire un peu d'histoire. En 1945, à la sortie de la guerre, a fallu relever le pays, il y a eu des tickets de rationnement, le gouvernement a créé la CGA, la Confédération Générale de l'Agriculture, où étaient réunis autour le Crédit Agricole, les Mutuelles, ont formé la Mutualité Sociale Agricole, et Groupama, ça ne s'appelait pas comme ça, mais je donne les noms actuels. Et à partir de 1946, la FNSEA s'est détachée, elle a créé son syndicat, et le gouvernement lui a donné la gestion des terres. Ça, c'est très important. La gestion du foncier est tenue par le syndicat. Jusqu'aux années 60, jusqu'aux années...
André Bercoff : La gestion entière des terres est juste confié à la FNSEA ? Oui, avec des commissions structures par département et avec les affaires.
Philippe Grégoire : Pour avoir des terres, pour faire simple, c'est plus facile d'être adhérent, si vous n'êtes pas adhérent, c'est plus compliqué, parce qu'il y a des commissions par département.
André Bercoff : D'accord, on arrive aux années 60. Oui, allez-y.
De 1945 aux années 60, ticket de rationnement, le pays s'est redressé. Après, à partir des années 60, il y a eu la politique agricole commune avec Edgar Pisani, il y avait un vignoble dans mon département, dans le Maine-et-Loin, et des années 60 aux années 2000, il y a eu une forte restructuration du monde des paysans et des industries de l'agroalimentaire. Les coopératives se sont transformées en coqs de collecte. Et c'est là que le bât blesse, pourquoi on est en guerre économique ? Parce que l'agroalimentaire est parti avec la caisse. Et parti avec la caisse, l'agroalimentaire privé est coopérative et a affamé les paysans. Et à partir des années 2000, on est passé, comme l'industrie tout court, comme l'industrie pharmaceutique, on est passé à la financiarisation de l'agriculture. C'est-à-dire que nos outils qui ont été créés par nos parents, nos grands-parents, nos coopératives qui étaient toutes petites, il y en a quelques-unes qui fonctionnent. Il y a les fruitières, le comté, les petites coopératives. Mais les autres, elles sont venues des multinationales. Et 1,4% des entreprises de l'agroalimentaire qui sont gérées par le syndicat FNSA contrôlent 80% des bénéfices de l'industrie agroalimentaire en France, qui fait 220 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Donc si vous voulez, le vert est dans le fruit. Et ce modèle-là a été construit par la gauche plurielles, par les républicains, par l'UDF, par l'UMP. Parce que tous les projets qui ont été montés depuis les années 60Un autre abandon, trahison de notre propre famille.. (...)