Chaque matin, Elisabeth Levy donne son avis sur l'actualité
Retrouvez ci-dessous la retranscription automatique des premières minutes de votre émission :
"Mais je crois que le mot terrorisme est aussi insuffisant."
Patrick Roger : Elisabeth Lévis, Lévis sans interdit, comme chaque jour du lundi au jeudi. Bonjour Elisabeth.
Elisabeth Levy : Bonjour Patrick, bonjour à tous.
Patrick Roger : Je le disais, est-ce que c'est une illustration quelque part du choc des civilisations, ce qui se produit sous nos yeux, donc dans cette guerre entre Israël et le ramas palestinien. Mathilde Panot, pour en revenir à elle, elle n'en démorde pas. Selon elle, Mathilde Panot de la France Insoumise, le ramas a commis des crimes de guerre. Est-ce que c'est le mot qui convient ?
Elisabeth Levy : Alors oui, ça pose cette question, avec quels mots dire ce qui s'est passé en Israël ? Avec quels mots dire ces images insoutenables de corps suppliciés et profanés, de bébés décapités au cœur de l'utopie fraternelle des kibboutz fondées, si vous voulez, par les pionniers d'Israël ? Eh bien non, ces images n'ont rien à voir avec la guerre, car la guerre a des lois et des règles. Et c'est évidemment du terrorisme, mais je crois que le mot terrorisme est aussi insuffisant. Ce à quoi nous avons assisté, Patrick, c'est un épisode. Paroxystique de la guerre des civilisations décrite par Samuel Huntington à la fin du siècle dernier. Et cette guerre des civilisations n'oppose pas seulement l'armée d'Israël aux assassins du ramas, mais l'Occident ou djihadisme malheureusement soutenu par une grande partie du monde islamique. Oui, aujourd'hui, une frontière civilisationnelle sépare ceux qui pleurent les morts israéliens et ceux qui, de Tunis à Sanaa, d'Alger à Téhéran, affichent leur joie. Et dans ce qu'on appelait autrefois le tiers-monde, on dit aujourd'hui sud-global, on appelle, on se contente d'appeler toutes les parties à la raison, on n'est pas dans le coup, on compte les points en quelque sorte. Bien sûr, il y a partout des individus qui restent libres, qui résistent à la haine folle, à la haine des juifs, des chrétiens, des occidentaux, cette haine qui est le carburant de régimes corrompus et impotents. Mais des foules déchaînées communient dans là l'aigraisse de voir des juifs massacrés, et ça me rappelle cette vidéo de Daech où djihadisme jouait au football avec la tête d'un infidèle. Jamais nous ne nous sommes sentis aussi frères, disait l'un d'eux.
"L'Occident possède surtout, Patrick, un trésor, un trésor qui est la liberté."
Patrick Roger : Mais bon, mais donc ça touche évidemment l'Occident qui trempe, qui chancèle. Pourtant l'Occident jouit encore d'une forme d'avance quoi, sociale, culturelle, peut-être même aussi technologique.
Elisabeth Levy : Oui, bon, par rapport à l'Asie ça se discute, mais c'est pas le sujet. L'Occident possède surtout, Patrick, un trésor, un trésor qui est la liberté. Et c'est peut-être cette liberté d'ailleurs, et l'édonisme, l'individualisme qu'elle a engendré, qui nous empêche de voir que ce choc des civilisations a aussi pris ses quartiers chez nous. Il y a une forme de désarmement intellectuel et moral dans nos sociétés. Munis de nos certitudes humanistes, sur l'égalité entre les hommes et l'amitié entre les peuples, nous sommes devenus incapables de penser nos ennemis. Nous sommes même plutôt du genre à lui tendre l'autre jour. On a vu cette vidéo dans un congrès que des migrants attendent de demander l'asile. Eh bien ils ont accueilli les nouvelles d'Israël avec des cris de joie et aux cris Allah Akbar. Ça n'empêchera pas pourtant nombre d'entre eux de s'installer dans nos villes. Et je crains d'ailleurs qu'on ait entendu les mêmes cris dans certaines cités françaises et ça montra évidemment puissance avec la riposte israélienne. Alors oui, tout ça me pose une question terrible. Qu'avons-nous qu'un genre en commun avec un homme ou une femme capable de se réjouir de l'ordalie sanglante du Hamas ? Rien. D'accord, nous sommes tous humains, bla bla bla, mais nous n'appartenons pas à la même civilisation. La preuve, c'est que quand ils seront frappés, nous pleurerons aussi évidemment les enfants de Gaza.
Patrick Roger : Levy sans interdites. Elisabeth Lévy.