Inauguration de la la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts
Inauguration de la la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts
Chaque matin, Elisabeth Levy donne son avis sur l'actualité
Retrouvez ci-dessous la retranscription automatique des premières minutes de votre émission :
"On est là pour la faire vivre dans sa vitalité hospitalière car les mots sont migrateurs."
Patrick Roger : Il est 8h15, dans un instant on va revenir avec nos débateurs Aminelle Catemis et Eric Revel et Elisabeth Levy aussi sur cette menace terroriste en France et en Europe, mais avant ça les vies sont interdites, bonjour Elisabeth.
Elisabeth Levy : Bonjour à tous.
Patrick Roger : Oui Elisabeth, vous voulez parler de la langue française, des langues françaises à l'occasion de l'inauguration cette semaine jeudi de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, et paradoxalement ça vous énerve, vous allez nous dire pourquoi ?
Elisabeth Levy : Oui alors c'est pas moi qui parle des langues françaises Patrick, et je voudrais quand même dédier cette chronique à Dominique Bernard et à tous les professeurs qui la défendent cette langue. Alors, cette cité internationale sera abritée dans le château de François 1er qui signa donc le fameux édit qui impose que les actes administratifs soient rédigés, je cite, en langage maternel français et pas autrement. Alors, quasi abandonné ce château, il a bénéficié d'une restauration à 200 millions d'euros, même partant de disette, les folies du monarque républicain sont désordres. Alors, on peut compter sur le Président pour prononcer un discours lyrique qui célébrera l'universalisme du français en convoquant nos plus grands auteurs. Bon, moi je préférerais que cet universalisme ne soit pas menacé par les coupes budgétaires des alliances et des lycées français, mais passons, positivement, alors favoriser le rayonnement de notre langue y compris en France c'est une belle cause. Mais quand j'entends le directeur Paul Rondin produit de la technostructure cultureuse, il travaille au festival d'Avignon, parler des langues françaises j'ai de gros doutes. Voilà ce qu'il dit aussi, on n'est pas là pour protéger ou défendre la langue, au contraire, ah bon j'ai mal compris. On est là pour la faire vivre dans sa vitalité hospitalière car les mots sont migrateurs. Nous y voilà, évidemment qu'il y a d'immenses écrivains francophones en Afrique et ailleurs, mais le sous-texte de ces mots migrateurs c'est qu'on aime le français à condition qu'il n'ait strictement rien à voir avec la France, sa culture et son histoire.
"Le français n'est pas né hier, c'est un cadeau des générations précédentes, alors bien sûr, il évolue, mais n'empêche, nous n'avons pas le droit de faire tout ce que nous voulons avec."
Patrick Roger : Bon, vous extrapolez peut-être un petit peu, non, parce que, et puis finalement ce sont les locuteurs et les écrivains qui font vivre la langue Elisabeth.
Elisabeth Levy : Oui, les professeurs bien sûr, mais parlons-en, parce que pour les locuteurs ordinaires, enfin, je veux dire, vous le savez, lire quelques copies du bac suffit à comprendre que pour une partie, une partie seulement heureusement de la jeunesse, le combat est perdu. Et reste à espérer qu'on sauvera les générations suivantes. Dans ce combat, en effet, les écrivains devraient être des alliés naturels. Que nenni, une cohorte de gloire littéraire et scientifique emmenée par ANNIE ERNAUX, notre prix Nobel, réclame dans le monde l'application de la réforme orthographique de 1990 avec une obsession à la simplification. Et leur boussole est totalement utilitariste. Voilà ce qu'ils écrivent, que gagne-t-on à apprendre des règles qui n'ont rien de logique. Ils veulent donc supprimer les chichis, les bizarreries, les incohérences, comme l'accord du participe passé avec l'auxiliaire à voir, et le pluriel en X, fini, les poux, cailloux, hiboux, vous connaissez la suite, je suppose. Et on écrira désormais Oignon, O-G-N-O-N, pardon, N-N-U-FAR, N-E, accent aigu, pardon, N-U-F-A-R, voilà. Alors franchement, quel progrès. Alors pourquoi s'accrocher à l'Oignon avec un i, me direz-vous ? Et bien d'abord parce que l'orthographe fait travailler nos méninges un peu comme les maths. Ensuite, parce qu'il y a la beauté aussi de la langue, la beauté de la graphie, qui devrait apporter à des écrivains. Et puis surtout, pour conclure, le français n'est pas né hier, c'est un cadeau des générations précédentes, alors bien sûr, il évolue, mais n'empêche, nous n'avons pas le droit de faire tout ce que nous voulons avec.