L’arrêt de la Cour de cassation qui valide l’impertinence par rapport à son patron
L’arrêt de la Cour de cassation qui valide l’impertinence par rapport à son patron : écoutez la chronique d'Elisabeth Lévy
Chaque matin, Elisabeth Levy donne son avis sur l'actualité
Retrouvez ci-dessous la retranscription automatique des premières minutes de votre émission :
"Si je vous traite de moule à gaufre, de bachibouzouk ou d'australopithèque, eh bien vous faites quoi ?Rien."
Patrick Roger : Il est 8h13, Levy sans interdit. Bonjour Elisabeth Levy.
Elisabeth Levy : Bonjour Patrick, bonjour à tous.
Patrick Roger : Alors selon la Cour de cassation, un salarié a le droit d'être insolent avec son patron.
Elisabeth Levy : Oui cher Patrick, si je vous traite de moule à gaufre, de bachibouzouk ou d'australopithèque, eh bien vous faites quoi ? Eh bien vous ne faites rien, parce que d'après la Cour de cassation, vous n'avez pas le droit de me virer. Alors c'est une décision d'octobre qui a été obtenue par Mme Jey qui contestait son licenciement par la société Anne-Hydrotek qui doit travailler dans le BTP. Et ce licenciement avait été validé par la Cour d'appel de Nîmes. Alors à l'origine du litige, il y a une sombre histoire de congés payés, Mme Jey inonde le Président pour obtenir des dérogations par rapport à l'accord d'entreprise. Je crois que c'est pour coller avec les vacances de son conjoint. Et d'ailleurs elle accuse son patron de refuser parce que sa femme à lui ne travaille pas. C'est pas gentil ça. Non mais c'est vrai, elle adresse toujours par mail des ultimatums à son supérieur et quand finalement elle obtient de gain de cause, eh bien croyez-vous qu'elle la joue modeste ? Non pas du tout. Elle écrit vraiment en disant « je considère que l'incident est clos », bon elle consent à passer l'éponge pour le privilège qu'elle a obtenu et elle écrit au boss sur le traitant vraiment en égale. Bien sûr les hommes sont égaux, Françoise ne vous énervez pas. Et même en subordonnée, bon finalement elle est licenciée mais non, pour la Cour de cassation, son comportement a bien été, si son comportement a été irrespectueux, impoli ou polémique, eh bien ça relevait de sa liberté d'expression et donc l'employeur paiera.
Patrick Roger : Alors que pensez-vous de cette décision qui vous fait un peu sourire mais qui franchement...
"Et en plus elle se la joue triomphale et que fait la Cour de cassation ? Eh bien elle lui donne raison."
Elisabeth Levy : Charrie grave.
Patrick Roger : Non mais c'est assez important, dans beaucoup d'entreprises il y a ce type en fait un peu de conflits ou d'un certain temps sur « oui je veux mes congés à tel moment », « non on les refuse », etc.
Elisabeth Levy : Là il porte pas en fait, il porte pas sur les congés, il porte sur la façon dont elle s'est exprimée, la façon dont elle a obtenu cela. Alors bon je sais pas, il y a beaucoup d'entreprises où effectivement, je sais pas, à cause d'heures effectivement on peut s'engueuler mais bon, c'est même pas le... on peut pas faire du cas par cas là-dessus parce que voilà, qu'est-ce qu'on a ? On a une enquiquineuse quand même, apparemment, c'est ce que je lis derrière la décision, qui obtient à l'usure un privilège par rapport à ses collègues. Et en plus elle se la joue triomphale et que fait la Cour de cassation ? Eh bien elle lui donne raison. En fait j'ai l'impression que ce sont un peu des arguments juridiques déconnectés de la réalité. Nous ne sommes plus, et c'est heureux, autant des patrons de droits divins ni même des patrons papas, on est autant du management cool. Et le droit du travail, comme vous le savez, est l'un des plus protecteurs du monde. Oui, est l'un des plus protecteurs au monde, parce que par exemple un patron qui parlerait mal à sa secrétaire lui demanderait des tâches qui ne sont pas rigoureusement consignées dans son contrat de travail. Et je ne vous parle pas d'une blague grivoise, je n'ai rien dit à ce sujet. Ce patron-là serait évidemment condamné et victime de l'opprobre social. Autrement dit, un salarié peut exiger le respect de son patron, mais le contraire n'est pas vrai. Et comme le Conseil d'État, bien sûr, la Cour de cassation défend l'individu roi contre l'institution, à l'opprimer bien sûr, le pauvre petit, contre l'oppresseur. Elle invalide l'idée même de hiérarchie, qui est d'ailleurs toujours suspecte au pays de l'égalitarisme. Et si vous voulez, c'est quand même un peu curieux parce que aujourd'hui il y a une demande unanime d'autorité, de restauration de l'autorité, mais l'autorité est partout sous surveillance, à l'école, dans la famille et finalement dans tout l'État. Et les juges contribuent évidemment à la détruire cette autorité. Alors attention, le droit ne change pas la nature humaine ni la proportion des détenteurs du pouvoir à en abuser. C'est pas vos chefs hein ! Mais la décision de la Cour de cassation va certainement pénaliser d'excellents patrons qui sont respectueux de leurs salariés, et ça n'empêchera pas des petits chefs et des tyrans de bureaux de sévir parce qu'à côté du permis d'insolence délivré par la Cour de cassation, il y a évidemment mille manières légales de pourrir la vie d'un subordonné. Alors un détail amusant pour conclure, cette décision a été retweetée par une certaine Rachel Garido qui en a gros sur la patate contre son patron.