Une conférence de la philosophe Judith Butler annulée par la Mairie de Paris
Une conférence de la philosophe Judith Butler annulée par la Mairie de Paris : écoutez la chronique d'Elisabeth Lévy
Du lundi au jeudi à 8h10, retrouvez une Elisabeth Lévy cash. Notre éditorialiste donne son avis sur un sujet d’actualité sans tabou et sans interdit.
Retrouvez ci-dessous la retranscription automatique des premières minutes de votre émission :
"On dirait que la Révolution woke a commencé à dévorer ses enfants."
Patrick Roger : Il est 8h13 Lévy sans interdit, Élisabeth Lévy bonjour.
Elisabeth Lévy : Bonjour Patrick, bonjour à tous.
Patrick Roger : Alors vous voulez revenir sur la liberté d'expression en France aujourd'hui qui est souvent mise à mal. Et là c'est à propos d'une conférence de la philosophe Judith Butler qui a été annulée par la mairie de Paris. Racontez-nous alors.
Elisabeth Lévy : Bah oui Patrick, on dirait que la Révolution woke a commencé à dévorer ses enfants. Donc cette rencontre a été prévue demain soir au Cirque Électrique, une salle qui est dans le 20e arrondissement. Et il y avait donc Judith Butler et aussi la lecture d'un message d'Angela Davis. Et donc cette rencontre a été annulée par la mairie de Paris. Alors qui est Judith Butler ? C'est la papesse de la théorie du genre si j'ose dire. C'est une figure de la gauche américaine tendance Black Lives Matter. Elle coche vraiment toutes les caisses du progressisme, y compris l'antisionisme. Et elle devait donc participer à cette rencontre qui était intitulée contre l'antisémitisme, son instrumentalisation et pour la paix révolutionnaire en Palestine. Alors dans les organisateurs, il y avait des associations, il y avait des partis comme le NPA, le Nouveau Parti Anticapitaliste, un groupe appelé Révolution Permanente, SEDEC qui est un collectif juif décolonial, woke, et il y avait donc en gros le gratin de l'extrême gauchisme juif et anti-israélien. Alors, Libé a contacté la mairie de Paris à ce sujet et donc la personne a répondu qu'il y avait un risque de polémique qui créerait donc un trouble à l'ordre public et que ça pouvait être contraire aussi aux valeurs de la mairie de Paris, l'antisémitisme, homophobie, etc. Alors bon, on comprend en fait qu'il redoutait des débordements antisémites et tout le nœud du problème, c'est qu'en 2006, un Judith Butler a déclaré que les Hezbollah et le Hamas étaient des mouvements progressistes de gauche.
"Mais si nous voulons rester un pays libre, eh bien, nous devons tous nous battre pour qu'elle puisse les exprimer."
Patrick Roger : Ah oui, cette position est plutôt problématique quoi.
Elisabeth Lévy : Oui, d'abord oui, c'est effectivement problématique, mais c'était en 2006 et après le 7 octobre, elle a qualifié l'attaque du Hamas de massacre terrifiant et révoltant sans la moindre ambiguïté. Et puis, même, prenons ces propos de 2006, Judith Butler a 67 ans, un âge auquel la plupart des personnalités publiques, sauf vous Patrick, ont déjà dit des âneries, certainement. Et grâce à la mémoire infaillible d'Internet, vous pouvez maintenant fouiner dans le passé de tout le monde. Et c'est d'ailleurs ce qui s'est passé puisque cette conférence a refait surface juste maintenant. Et ces méthodes dont on voit bien qui ont été inventées vraiment par la Gauche woke, qui est ce qu'on appelle la cancel culture, la culture de l'annulation, eh bien, elles peuvent maintenant être utilisées par ses adversaires. Eh bien non, moi je ne suis pas d'accord, je crois que la liberté d'expression doit aller très loin. Bien sûr, il y a une limite. Par exemple, c'est difficile de laisser parler quelqu'un qui dirait bravo à ce qui s'est passé le 7 octobre. Mais on ne va pas interdire de parole tous ceux qui pensent malgré tout et qui se trompent évidemment lourdement, à mon avis, que le Hamas est un mouvement de résistance. Oui, le débat d'idées, pardon Patrick, ne peut pas se passer qu'entre centristes bontains et libéraux bien élevés. C'est l'échange des arguments, souvent vif, qui permet à la vérité de triompher. Et si on proscrit l'expression des mauvaises pensées, comme veulent le faire certains climatologues, eh bien, ça ne pourra que nourrir les théories du complot. Par exemple, on peut aussi penser à ce qui s'est passé sur les vaccins. Et c'est aussi donner raison à ceux qui emploient la menace physique pour faire taire les voies d'dissidences, comme celle deFlorence Bergeaud-Blackler qui a été interdite de parole au café Laïque de Bruxelles. Oui, l'État doit permettre la libre expression des opinions. Il doit donc protéger les débats menacés et pas reculer, comme le font trop souvent les présidents d'universités ou ceux qui dirigent certains lieux. Bref, Patrick, je ne suis d'accord avec aucune des idées funestes de Mme Butler, mais si nous voulons rester un pays libre, eh bien, nous devons tous nous battre pour qu'elle puisse les exprimer.