Retranscription des premières minutes :
- Alexis Poulin, sans réserve, l'édito.
- Et l'édito c'est à propos de cette figure française, l'abbé Pierre.
- Alors là, décidément, les révélations tombent et n'arrêtent pas de nous surprendre.
- On apprend que l'abbé Pierre était pétiniste, antisémite, violeur, presque évadé fiscal, quasiment gourou.
- N'en jetez plus, l'abbé Pierre c'est fini.
- C'est un livre qui vient de sortir, qui s'appelle « La fabrique d'un saint » aux éditions Alary, des journalistes Laetitia Chérel et Marie-France Etchegouin.
- Qui explique Henri Grouesse, son vrai nom, malgré ses nombreuses médailles.
- Je rappelle qu'il était médaillé de la résistance, commandeur de la Légion d'honneur, médaille d'or Albert Schweitzer, grand prix de l'Académie des sciences morales et politiques.
- Ça c'est l'abbé Pierre.
- Il a aussi sa part obscure qui est en train de prendre la lumière.
- Il n'a pas toujours été un rebelle, même il était pétiniste à une certaine époque.
- Voilà ce qu'il écrivait lorsqu'il soutenait le maréchal Pétain.
- « Ayons la fierté de penser que le maréchal travaille à cette conquête, la plus belle et la plus glorieuse, lors d'un discours.
- Partout où aujourd'hui la France renaissante de notre grand maréchal agit, soyez présents, soyez au premier rang, soyez des plus grands lutteurs dans la conscience et l'enthousiasme. » Sans compter bien sûr ses proximités avec un négationniste qui lui a valu d'ailleurs pendant un an de chuter de la première à la deuxième place de la personnalité publique préférée des Français.
- Sinon pendant dix ans, l'abbé Pierre était devant tout le monde.
- C'est vous dire comme il était aimé.
- Certains lieux qui sont des lieux publics en France qui portent le nom de l'abbé Pierre sans doute vont-ils être débaptisés les uns après les autres après les différentes révélations qu'il y a ces jours-ci.
- Mais bien sûr tout ça n'enlève pas ce qu'il a fait avec Emmaüs.
- Emmaüs justement après l'appel du 1er février 1954 qui a lancé Emmaüs et qui reçoit un milliard de francs de l'époque, c'est-à-dire 26 millions d'euros en un mois, un rapport d'ailleurs qui avait été envoyé à l'archevêque de Paris et qui mettait déjà le doute sur Emmaüs en disant que c'était une association fictive non déclarée, ignorant tout de la gestion de fonds.
- Il faut savoir que Charlie Chaplin, Charlo, qui avait donné à cette occasion 2 millions de francs en expliquant qu'il ne les donnait pas, qu'il rend cet argent qui appartient au vagabond que j'ai été et que j'ai incarné.
- Donc tout le monde était derrière l'abbé Pierre à cette époque-là.
- Et puis bien sûr les accusations sexuelles au contraire.
- Combien graves maintenant contre l'abbé Pierre dès l'automne 55.
- Le haut-clergé français connaissait cet aspect de l'abbé mais elle l'a caché parce qu'il était très populaire.
- Vous voyez c'est comme ça que ça fonctionne.
- Et puis il faut rappeler aussi ces obsèques, obsèques hommage national qui se sont déroulés à Notre-Dame.
- Et il y avait là tout Emmaüs mais aussi Jacques Chirac, Valéry Giscard d'Estaing, Dominique de Villepin, Nicolas Sarkozy, Bertrand de la Noé, Jack Lang, François Bayrou, tous les ministres étaient là.
- Personne à l'époque ne mettait en question le travail de l'homme d'église.
- C'est Roland Barthes qui, en 57, expliquait le personnage de l'abbé Pierre dans Mythologie.
- Il évoque le visage de l'abbé qui représente clairement tous les signes de l'apostolat.
- Le regard bon, la coupe franciscaine, la barbe missionnaire.
- Tout cela complété par la canadienne du prêtre ouvrier et la canne du pèlerin.
- Ainsi sont réunis les chiffres de la légende et ceux de la modernité.
- Une coupe de cheveux équilibre neutre.
- Entre le cheveu court et le cheveu négligé qui rejoint l'intemporalité de la sainteté.
- Et qui l'identifie à Saint François d'Assise.
- La barbe du capucin et du missionnaire qui symbolise la pauvreté et la vocation.
- Bref, tout ça était écrit.
- Et puis Pierre Bourdreux lui parlait aussi d'un genre de prophète qui surgit en temps de disette et de crise.
- Mais Roland Barthes déjà se demandait si la belle et touchante iconographie de l'abbé Pierre n'est pas l'alibi dont une bonne partie de la nation s'autorise une fois de plus pour substituer impunément les signes.
- De la charité à la réalité de la justice.
- Alors on se rappelle...
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