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Affaire Daval : "La spirale du mensonge était telle qu’il n’avait plus rien à perdre"

Par Benjamin Jeanjean

Alors que Jonathann Daval a finalement avoué contre toute attente avoir tué son épouse Alexia, le psychanalyste Pascal Neveu décrypte pour Sud Radio les mécanismes d’un mensonge qui a surpris tout le monde.

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C’est un fait divers qui a eu un retentissement national. Le 28 octobre 2017, Alexia Daval (29 ans) était retrouvée morte étranglée, supposément lors d’une sortie en jogging près de Gray-la-Ville (Haute-Saône). Alors que son mari Jonathann Daval a pris part à toutes les marches blanches et cérémonies d’hommage à sa femme, ce dernier a avoué à la surprise générale pendant une garde à vue être l’auteur de ce meurtre, suite à une dispute conjugale selon lui. Le psychanalyste Pascal Neveu, auteur notamment de Mentir pour mieux vivre ensemble ?, réagit au micro de Sud Radio à ce rebondissement qui porte en lui des racines psychologiques.

"Il utilise un mécanisme de défense très connu : le déni. Ensuite, il n’a rien à perdre. Je pense qu’il faut envisager cette histoire sous différents angles. Il sait qu’il est l’assassin. Peut-être y a-t-il un passage à l’acte avec des compensations qui expliquent que suite à cette engueulade et ce conflit, il va l’étrangler. Mais il ne faut pas oublier que quelques heures plus tard, pour quelqu’un qui serait dans un mécanisme de déni, il l’habille en jogging, il va envoyer un texto un peu plus tard à ses beaux-parents en leur disant qu’elle va leur rendre visite, etc. Il orchestre donc son mensonge et maquille son crime", rappelle-t-il tout d’abord.

"Communiquer pour recevoir des informations et continuer à alimenter son mensonge"

Pour Pascal Neveu, Jonathann Daval s’est rapidement retrouvé dans un engrenage. "Lorsqu’il montre son émotion, lorsqu’il pleure, lorsqu’il a la voix totalement tremblante, on peut reconnaître chez lui le fait qu’il soit réellement dans une émotion. Il vit tout de même un deuil, qu’on ne peut pas nier. Mais la spirale du mensonge sera telle qu’il n’aura de toutes façons plus rien à perdre. Plutôt que de terminer à perpétuité en prison, il va se rapprocher des enquêteurs, comme ils le font tous dans ces histoires de criminalité. À chaque fois, on a des marches blanches, on communique auprès des médias pour recevoir le maximum d’informations et continuer à alimenter son mensonge", indique-t-il.

Jonathann Daval pouvait-il croire lui-même à son propre mensonge ? Pascal Neveu ne se prononce pas, mais admet que ce genre de cas peut arriver. "On en saura plus avec l’expertise psychiatrique, mais effectivement à un moment donné on peut avoir été tellement traumatisé par ce qu’on a vécu qu’on va s’inventer une histoire, créer une néo-réalité de ce qu’il s’est passé et on peut y croire profondément. Lors des chocs post-traumatiques, des gens qui ont été très proches de la mort vont occulter pendant des années parfois la réalité d’un fait abominable qu’ils ont pu subir", explique-t-il.

"On va savoir réellement ce qui se jouait dans ce couple"

Toujours est-il que cette affaire prend aujourd’hui une tournure conjugale, dans un contexte déjà pesant dans la société française. "On va savoir réellement ce qui se jouait dans ce couple, le rapport de force de domination-soumission. Il dit qu’elle était sa force de vivre, un pilier central, etc. On a l’impression qu’à un moment donné, il n’a plus supporté le fait d’être écrasé par son épouse. En l’étranglant, il lui coupe la voix. (…) Les crises et les violences au sein des couples sont un sujet extrêmement tabou. Les hommes battus, les femmes battues, c’est une réalité. Plus de 100 hommes par an meurent suite à des violences conjugales en France, et les chiffres sont bien sûr plus importants pour les femmes. Il y a aussi du déni au sein de ces couples, une forme de banalisation de la violence qui aboutit à un moment donné à un passage à l’acte, à une envie de se libérer. Ce qui n’excuse pas l’abomination du crime, bien entendu", conclut Pascal Neveu.

Réécoutez en podcast toute l’interview de Pascal Neveu dans le Grand Matin Sud Radio

 

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