Avec l’explosion du nombre d’attentats terroristes sur le sol français, la justice antiterroriste se retrouve mécaniquement de plus en plus sollicitée. Problème : les moyens humains ne suivent pas forcément, et les magistrats sont aujourd’hui débordés par le nombre et l’ampleur d’affaires à traiter. Au micro de Sud Radio, le spécialiste police-justice Philippe Cohen-Grillet tire la sonnette d’alarme.
"450 dossiers, et il s’en rajoute un ou deux tous les jours. Le compteur tourne et monte. À chaque attentat perpétré ou déjoué, on a de nouveaux suspects, de nouvelles perquisitions, de nouveaux éléments, et il y a soit un juge d’instruction, soit un magistrat du parquet qui est en charge. En face de ces dossiers, on a 11 juges d’instruction et 14 juges du parquet. Très honnêtement, il est quasiment impossible pour eux de faire face humainement, tous seuls avec un greffier, à des dossiers qui font parfois plusieurs dizaines de milliers de pages", déclare-t-il avant de citer deux exemples précis d’affaires qui s’enlisent aujourd’hui faute de moyens.
"Prenez l’assassinat du père Hamel. Le dossier d’instruction n’a été envoyé aux avocats des parties civiles que 24 heures avant le premier "anniversaire" de l’assassinat, c’est-à-dire le 25 juillet dernier. Le couple Coponet – Guy Coponet était présent dans l’église ce jour-là et a été grièvement blessé au couteau par l’assassin – n’a toujours pas été reçu par le juge, ni même son avocat ! Pourquoi ? Parce que le juge n’a tout simplement pas le temps", assure-t-il.
Deuxième exemple : l’attentat du Caire qui avait visé un groupe de lycéens français en 2009, causant notamment la mort d’une jeune fille de 17 ans. "Huit ans et demi d’enquête, trois juges d’instructions qui se sont succédé, une femme française qui poireaute depuis huit ans et demi en étant mise en examen. Citons aussi un témoin-clé assigné à résidence à Toulouse, mis en examen dans un autre dossier pour propagande jihadiste sur Internet, qui n’a toujours pas été entendu par un juge en sept ans et demi ! Les parents de Cécile Vannier, la victime, n’ont pas été reçus par un juge d’instruction depuis trois ans et demi. Ils attendent également qu’une commission rogatoire internationale soit envoyée à la justice égyptienne pour se faire communiquer un dossier", déplore-t-il.
Réécoutez en podcast l’interview de Philippe Cohen-Grillet dans le Grand Soir Sud Radio