En 1994, deux femmes accouchent dans la même maternité cannoise. Au cours d’un traitement contre la jaunisse, deux petites filles auraient été échangées. Les deux bébés sont en effet placés côte à côte, sous les lampes thérapeutiques. Ils n’ont pas, à leur petit poignet, de bracelet d’identification. Les deux fillettes sont ensuite rendues à des parents différents.
Doutes des mamans
À l’époque, des doutes avaient animé les deux mamans. Mais l’équipe médicale n’a pas pris au sérieux leurs réticences. L’une des mères avait même évoqué une enfant à la peau plus mate, avec davantage de petits cheveux.Dans la famille Serrano, la petite Manon grandit, mais la dissemblance avec ses parents est frappante. En 2002, le père décide de faire un test de paternité. Le résultat est sans appel : Manon n’est pas sa fille biologique et n’a aucun lien de parenté avec sa propre mère. La famille porte plainte et l’enquête permet de retrouver les autres parents. Ils résident également dans les Alpes-Maritimes et leur enfant se prénomme Mathilde.L’enquête permet également de mettre au jour les dysfonctionnements au sein de la clinique. Pourtant, en 2005, le procureur classe sans suite l’affaire car les faits sont prescrits. Aujourd’hui, la clinique est fermée.
La responsabilité civile de la clinique ?
En 2009, nouveau rebondissement judiciaire : la famille Serrano assigne en responsabilité la clinique devant la justice civile de Grasse, ainsi que deux médecins accoucheurs, deux pédiatres et une auxiliaire puéricultrice qui travaillaient à l'époque à la maternité.L’affaire a été révélée au public il y a maintenant un an. Si les deux familles sont unies dans la démarche judiciaire, elles n’entretiennent plus de contacts. Il n’a jamais été question d’échanger les bébés, devenus des adolescentes.Aujourd’hui, selon Var Matin, la famille de Manon réclame 5,380 millions d’euros au titre des souffrances morales et matérielles. Me Collard, leur avocat, évoque, lui, une "adoption forcée". L'autre famille réclame 6,880 millions soit 12,2 millions au total.L’avocat des Serrano espère une condamnation. "Devoir restituer son véritable enfant à ses parents est une évidence. L'absence d'inversion des nourrissons relève du minimum que l'on peut attendre d'un établissement de santé !" explique Me Gilbert Collard.La clinique reconnaît les faits. "Nous ne discutons pas le fait que les enfants ont fait l'objet d'une erreur et nous avons pris la mesure des conséquences graves que cela a engendrées chez les familles concernées", a déclaré Me Claude Chas, l’avocat de la clinique.En France, depuis 1950, il s'agit de la deuxième affaire de ce genre connue de la justice. Le jugement sera rendu en février prochain.