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Élisabeth Lévy - Déprogrammation d'un téléfilm avec Richard Berry : "il y a des jours où on enrage de payer sa redevance"

Après deux semaines de déballage médiatique des accusations d'inceste autour de Richard Berry par sa fille Coline, voilà que le maccarthysme (re)fait des siennes. Hervé Temime, avocat du comédien, a accusé France 3 de "bafouer la présomption d'innocence de son client", ce à quoi la directrice de la fiction française de la chaîne publique a répondu : "cette décision a été prise (...) dans un souci d'apaisement et de neutralité".

Richard Berry était à l'affiche du film "la Loi du Damien", téléfilm qui a finalement été déprogrammé. (Photo de Valéry Hache / AFP)

France 3 a déprogrammé un film dans lequel jouait Richard Berry

La chaine publique devait diffuser le 12 février la « Loi de Damien », où le comédien, accusé d’actes incestueux par sa fille Coline, incarne un avocat. Dans C à vous, il y eut la colère (très civile) de son avocat Hervé Temime. La réponse de France 3 dans un communiqué, est la suivante : la chaîne ne voulait pas « perturber les démarches juridiques dont la presse se fait écho entre Richard Berry et sa fille ». Elle a agi pour la bonne marche de la justice. Et ma sœur est archevêque.

Quelles seraient les motivations de la chaîne publique à agir comme cela ? 

La lâcheté. La soumission à la meute. France 3 s’incline devant la tyrannie de l’émotion dénoncée dans Causeur par une théorie de grands intellectuels. Le pire, c’est qu’elle se couche avant que quiconque ait aboyé. Ses dirigeants ont une trouille bleue d’une offensive numérique ou physique, méthodes rodées par les vestales vengeresses du néo-féminisme qui perturbent toute cérémonie honorant Polanski ou Woody Allen. Donc ils annulent Berry à titre préventif. Courage, fuyons. 

Voir Richard Berry peut en déranger certains osera-t-on me dire ?

Primo. Aimeriez-vous que tout ce qui vous dérange disparaisse de votre vue ? 

Deuxio. Je me fous de la biographie des artistes. Va-t-on interdire de lire Céline, Montherlant, Gide ? Freud et Marx n’étaient pas irréprochables avec les dames. Pour le cinéma, ce serait un massacre : la plupart des stars sont plus connues pour leurs frasques et excès que pour leur féminisme affiché. Nous voyons naître un nouveau maccarthysme qui prétend juger la pureté morale des œuvres et des individus. Je suis inquiète car cela ne s’arrêtera pas. 

S’il faut bien que les victimes obtiennent justice, ce n’est pas comme cela.

On n’obtient pas justice en déballant sur la place publique de sombres affaires familiales sur lesquelles nous n’avons pas la moindre idée et ne voulons pas en avoir. La justice suppose des règles. La première, c’est la présomption d’innocence. C’est le socle, la base, la table de la loi. Sans elle, il n’y a pas de justice. Richard Berry est présumé innocent, point barre. Non seulement le tribunal médiatique encourage la délation comme un acte de courage, mais il condamne sans preuve et sans procès. France 3 traite l’acteur en coupable. Ce n’est pas une petite affaire. La façon dont on juge distingue la civilisation de la barbarie. Il y a des jours où on enrage de payer sa redevance.

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