Comment sortir de l’impasse actuelle en ce qui concerne la formation d’un gouvernement ?
Jean Garrigues : "L'intérêt national pousserait à rechercher les bases d'un accord politique sur un certain nombre de thématiques"
Selon le politologue Jean Garrigues, la situation actuelle appelle des solutions inédites. "Nous sommes dans une situation totalement inédite sous la Vème République. Elle appelle, à mon sens, des solutions inédites et une adaptation de la classe politique et des citoyens à cette nouvelle réalité. Le bon sens me fait dire que, a priori, un gouvernement issu du Nouveau Front Populaire, Lucie Castets, pour être clair, aurait assez peu de chances de survivre plus de quelques semaines à une motion de censure. Dans la mesure où le Rassemblement national s'est dit décidé à voter une telle motion de censure.
Donc, on a deux choix. Soit on tente cette expérience, ce qui peut se justifier par cette tradition républicaine qui fait que, en cas de cohabitation, on propose Matignon à la formation qui est arrivée en tête. Même si cette victoire du Nouveau Front populaire n'est que très relative, il faut le reconnaître. Soit on essaie autre chose. Moi, il me semble que l'intérêt national, en l'occurrence, pousserait à une autre solution, qui serait évidemment rechercher les bases d'un accord politique sur un certain nombre de thématiques. Et notamment sur ce qui va être le gros morceau, la loi de finances. Pour trouver un gouvernement qui soit susceptible, non pas d'avoir une majorité absolue, mais de ne pas être renversé par une motion de censure dans l'année, au moins dans l'année qui vient. Un gouvernement éventuellement de transition, mais qui pourrait éviter de pénaliser finalement la France par de nouveaux bouleversements", a estimé Jean Garrigues.
Gouvernement : "Aujourd’hui on a besoin de trouver des solutions"
Selon Jean Garrigues, l'ambition présidentielle de Jean-Luc Mélenchon perturbe ce qui devrait être une recherche de compromis.
"Si on fait la liste de tous ceux dont Le Front Populaire a dit qu'il ne voulait pas gouverner avec, on a une majorité contre lui, tout simplement. C'est pour ça qu'on se dit que le Nouveau Front populaire est numériquement minoritaire à l'Assemblée nationale… “C'est, à mon sens, exactement ce qu'il ne faut pas faire aujourd'hui dans la situation actuelle. Décrier de manière aussi caricaturale ses adversaires, brutaliser comme ça des oppositions qui, en réalité, on le sait bien, ne sont pas aussi violentes qu'on le dit. Je rappelle quand même qu'une grande partie des élus d'aujourd'hui de Renaissance viennent du Parti socialiste, à commencer par Elisabeth Borne. Ça veut dire que les différences ne sont pas aussi fortes qu'on veut bien le dire. En revanche, on sait bien que l'alliance Nouveau Front populaire, là aussi, elle s'est fracturée du temps de la Nupes et montré des divisions, y compris au sein même de La France Insoumise, qui montrent qu'on est en présence de gauches très différentes les unes des autres. Et on sait bien que, fondamentalement, le problème, c'est notamment l'ambition présidentielle de Jean-Luc Mélenchon, qui perturbe ce qui devrait être cette recherche de compromis, cette recherche de rapprochement qui pourrait nous faire sortir de la crise actuelle. Je suis un peu un peu triste parce que c'est aller comme ça vers une logique qui est celle de la logique traditionnelle de l'horizon présidentiel de 2027.
C'est de se dire que si jamais on s'oppose à la France insoumise aux prochaines élections législatives, des sièges seront perdus par les socialistes ou les écologistes. Tout ça, c'est une cuisine un peu traditionnelle de la Vème République. Elle a sa justification. Mais je pense qu'aujourd'hui on a besoin d'autre chose. On a besoin de trouver des solutions, comme l'avaient trouvé d'ailleurs nos ancêtres députés et sénateurs de la IIIème ou de la IVème République. Je rappelle qu'à plusieurs reprises, sous la IIIème et de la IVème République, et même parfois sous la Vème, des gens qui ne pensaient pas la même chose, des gens qui venaient de la droite et de la gauche… je pense au gouvernement d'union nationale de Raymond Poincaré en 1926… Raymond Poincaré est le chef de la droite, il prend comme numéro deux de son gouvernement le chef de la gauche de l'époque, qui s'appelait Édouard Herriot. Ils avaient des différences très sensibles sur des tas de sujets sociaux, économiques, sociétaux… Et ils se sont mis d'accord et ils ont fait un gouvernement !", a rappelé Jean Garrigues.
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