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Nomination d’un Premier ministre : Emmanuel Macron au pied du mur

Par Jean-Baptiste Giraud

Pourquoi est-ce si compliqué de nommer un Premier ministre en ce moment ? Jean-Marie Bordry en parle sur Sud Radio avec Guillaume Bernard, politologue, auteur du livre Le mouvement dextrogyre (Éditions Desclée de Brouwer), et Benjamin Morel, politologue et maître de conférences en droit public à l'Université Paris II.

Guillaume Bernard et Benjamin Morel
Guillaume Bernard et Benjamin Morel, invités de Jean-Marie Bordry dans "Les grands débats du matin".

Emmanuel Macron est-il dans son rôle en refusant de lui-même de nommer un gouvernement qui, dit-il, serait de toute façon censuré ?

Benjamin Morel : "Si jamais on commence à avoir des gouvernements qui sont renversés tous les quinze jours à partir d'octobre, ça devient très problématique"

"Constitutionnellement, le président nomme un Premier ministre. Et l'objectif ensuite, c'est que ce Premier ministre ne soit pas censuré. Il peut nommer qui il veut, mais à condition ensuite qu’il y ait 289 députés qui ne le renversent pas. On rentre dans une zone de turbulences : le budget doit être déposé au Conseil pour les finances publiques le 15 septembre, et ensuite au parlement pour le premier mardi du mois d'octobre. Donc, si jamais on commence à avoir des gouvernements qui sont renversés tous les quinze jours à partir d'octobre, ça devient très problématique. Donc là, en effet, il faut prendre des décisions. Mais le problème, c'est qu'il n'y a pas de configuration majoritaire à l'Assemblée", a expliqué Benjamin Morel.

Alors, qu’aurait-il fallu faire ? "Qu'aurait fait un président italien ? D'abord, il s'y serait pris plus tôt. Il aurait nommé un coordinateur, fût-il même du Nouveau Front Populaire d'abord. Peut-être pour non pas être nommé directement à Matignon, mais trouver 289 députés, autrement dit une majorité, qui ne l'aurait pas renversé. À la place de ça, Emmanuel Macron définit les cas de la majorité qu'il peut lui-même envisager, eu égard aux consultations qu'il a faites. Alors qu'il est juge et partie, restreignant d'autant plus la capacité à construire une majorité. Parce qu'actuellement, il y a deux possibilités. Soit une majorité à laquelle tout ou partie du Nouveau Front populaire se joint. Mais les écolos et les socialistes ne se rendront pas plus aux rencontres que les Insoumis. Soit au gouvernement des centres, qui, si ce n'est soutenu, en tout cas ne serait pas renversé par le RN. Si vous excluez des négociations et le RN et le NFP, vous n'avez plus que la droite et le centre, ça fait 210 députés, et ça tient 48 heures", a estimé Benjamin Morel.

Guillaume Bernard : "Il n'y a pas de majorité à l'Assemblée nationale, c'est quand même cela dont il faut parler"

Cela peut durer longtemps ? "Non, ça ne peut pas durer longtemps, dans la mesure où la Vème République est quand même marquée par l'idée que le chef de l'État nomme un gouvernement qui est au moins, je dirais, compatible avec lui, et doit assurer une certaine stabilité et continuité de l'État. Donc, qu'Emmanuel Macron refuse un gouvernement exclusivement NFP, ça ne me paraît pas être purement politicien dans la mesure où le NFP, contrairement à ce que disent ses membres, n'est absolument pas majoritaire. Il n'y a pas de majorité à l'Assemblée nationale. C'est quand même cela dont il faut parler. Il n'y a deux possibilités de constituer un gouvernement qui ne soit pas trop loin de la majorité, à la condition que le NFP implose et laisse de côté LFI. C'est à la fois l'intérêt d'Emmanuel Macron, évidemment, mais c'est aussi l'intérêt de Jean-Luc Mélenchon", a répondu Guillaume Bernard.

Le Nouveau Front Populaire ne craque pas, pour l’instant en tout cas…. "On comprend assez mal comment le Nouveau Front Populaire tient. Parce que c’est un pari fondamentalement perdant. Pourquoi ? Prenez le scrutin précédent : en 2022, la gauche fait moins de voix qu’en 2017. Elle a quatre fois plus de députés. Pourquoi ? Parce que quand vous partez dans un scrutin majoritaire à deux tours, vous passez des premiers tours et donc vous gagnez des seconds. Quand vous partez divisés, vous êtes morts. Et donc ça, les socialistes et les écolos, le savent. Il y a deux facteurs aujourd'hui qui tiennent le NFP et qui n'ont rien à voir avec les stratégies. Oui, ils ne sont pas d'accord sur le fond, mais ce n'est pas l'objet. Le premier élément, c'est que Jean-Luc Mélenchon a dit, le 7 juillet au soir : ‘on a gagné, on a gagné, c'est tout le programme, rien que le programme’. Cela veut dire : ‘écoutez, on va arriver au pouvoir, et si nous n'y arrivons pas, c'est parce que certains auront trahi’. Il y aura des socio-traîtres, il y aura des écolo-traîtres qui auront été à la gamelle chez la majorité. Et donc à partir de là, Jean-Luc Mélenchon apparaîtrait comme étant la seule figure de la gauche pour 2027. Et c'est ce qu'il cherche", a estimé Benjamin Morel.

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