Décisions de Donald Trump dans le domaine de la recherche, libertés académiques, rôle des étudiants internationaux, budget de la recherche, orientation des étudiants, voile à l'université : Philippe Baptiste, Ministre chargé de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, a répondu aux questions de Jean-Jacques Bourdin.
"Donald Trump met en danger des pans entiers de la recherche mondiale"
Invité à réagir sur l’impact des coupes budgétaires opérées aux États-Unis par Donald Trump dans les grands programmes scientifiques et de recherche, Philippe Baptiste n’élude pas. Il dénonce des choix "extrêmement brutaux", notamment l’arrêt unilatéral de financements et la fermeture de programmes entiers aux États-Unis. "On met en danger des pans entiers de la recherche mondiale", alerte-t-il. Le ministre cite l’exemple des grandes bases de données du NIH (l’équivalent américain de l’INSERM), rendues inaccessibles du jour au lendemain. "C’est sidérant", insiste-t-il.
Le ministre évoque également les coupes budgétaires touchant la NOAA (agence américaine d’observation du climat) et la NASA, dont les répercussions dépassent largement le cadre national. L’impact est mondial, car "la recherche, aujourd’hui, c’est une recherche monde". À travers ces décisions, c’est l’équilibre d’une coopération scientifique internationale construite sur des décennies qui vacille. Philippe Baptiste y voit une alerte claire : "Ces coups d’arrêt nous obligent à repenser notre autonomie, en France comme en Europe."
Donald Trump coupe les budgets de la recherche : "Il met en danger des pans entiers de la recherche mondiale ! C'est sidérant !" déplore le ministre @PhBaptiste pic.twitter.com/4a5RG5SQwD
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"Nous allons accélérer et soutenir l’arrivée de chercheurs américains"
Les scientifiques américains sont accueillis en Europe à bras ouverts, et notamment en France. "Nous avons commencé à accueillir des chercheurs et scientifiques américains. Nous allons accélérer et soutenir leur arrivée", annonce Philippe Baptiste. Plusieurs universités, comme Aix-Marseille ou CentraleSupélec, ont déjà ouvert des appels à candidatures. En quelques jours, une quarantaine de dossiers ont été déposés, et plusieurs chercheurs ont été sélectionnés.
Le ministère prévoit des lignes budgétaires spécifiques pour accompagner ce mouvement. Philippe Baptiste évoque également une initiative européenne coordonnée, lancée à l’issue d’une réunion des ministres de la recherche à Varsovie. "Tous les présidents d’université se sont mobilisés", se félicite-t-il. Pour la France, il s’agit autant d’un acte de solidarité que d’un investissement stratégique. "Il y aura des lignes budgétaires ad hoc qui seront dédiées pour ça et puis on a aussi mobilisé nos collègues européens".
"Nous avons commencé à accueillir des chercheurs et scientifiques américains. Nous allons accélérer et soutenir leur arrivée. Aix-Marseille a déjà reçu une quarantaine de candidatures" indique le ministre @PhBaptiste pic.twitter.com/ojBbtYmOx2
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Chercheur français refoulé par les États-Unis : "On est préoccupés, cela touche à la liberté académique"
L’affaire d’un chercheur du CNRS refoulé à l’entrée des États-Unis suscite une vive préoccupation du ministère. Ce scientifique, invité à une conférence, aurait été empêché d’entrer sur le territoire américain en raison de messages privés critiques envers l’administration de Donald Trump. "C’est extraordinairement atypique", déclare Philippe Baptiste. "Cela touche à la liberté académique et à la liberté d’expression."
Le ministre souligne que ce type d’atteinte n’est pas anodin, même s’il concerne un seul cas. "La science se construit avec des opinions qui se frottent", rappelle-t-il, défendant un espace de débat libre et sans entraves. Il réaffirme son attachement aux valeurs fondamentales de l’université : pluralisme, échange, contradiction. Un principe qu’il oppose à toute tentative de contrôle politique de la pensée scientifique.
Un chercheur du CNRS refoulé par les États-Unis pour avoir critiqué la politique de Trump lors de conversations privées : "On est préoccupés. Cela touche à la liberté académique et à la liberté d'expression" pour @PhBaptiste pic.twitter.com/TqWTvA41Qb
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"Nous avons besoin des étudiants internationaux en France"
Alors que la France envisage une réduction des visas dans le cadre des tensions diplomatiques avec l’Algérie, Philippe Baptiste rappelle l’importance des mobilités étudiantes pour le système universitaire français. "Les étudiants algériens sont les premiers étudiants non communautaires en France", affirme-t-il, insistant sur la nécessité d’un enseignement supérieur ouvert. "On a besoin des étudiants internationaux aujourd’hui, parce que c’est eux qui construisent le futur de notre industrie", ajoute-t-il.
Selon lui, les universités françaises ne pourraient pas fonctionner efficacement sans cette diversité. "Si on se contente simplement des étudiants franco-français, ça ne marche pas." Le ministre appelle donc à protéger cette richesse, au-delà des enjeux diplomatiques du moment. L’attractivité de la France passe aussi, selon lui, par un accueil large des talents venus de l’étranger.
"Les étudiants algériens sont les premiers étudiants non communautaires en France. Nous avons besoin des étudiants internationaux en France. On ne pourrait pas construire notre industrie de demain sans eux" signale @PhBaptiste pic.twitter.com/4XQ7orm6nj
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"Non, le budget de la recherche ne baisse pas"
Sur la question des moyens financiers alloués à la recherche, Philippe Baptiste se montre formel. "La loi de programmation de la recherche, c’est 6 milliards d’euros en plus", rappelle-t-il, en réponse à ceux qui dénoncent une baisse du budget. Il insiste sur les revalorisations salariales engagées, notamment pour les jeunes chercheurs. "Ils ont vu leur salaire progresser de plus de 600 euros par mois."
"Non, le budget de la recherche ne baisse pas. La loi de programmation de la recherche, c'est 6 milliards d'euros en plus ! Et nous devons aller plus loin" assure le ministre @PhBaptiste pic.twitter.com/qoKgWj4Ajw
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Au-delà des chiffres, il défend une stratégie d’investissement dans la durée. Des lignes budgétaires seront également ouvertes pour accueillir davantage de chercheurs étrangers, notamment américains. "Il ne faut pas paupériser les métiers de la recherche", insiste-t-il. Pour rester dans la compétition mondiale, la France doit continuer à offrir des conditions attractives à ses scientifiques.
.@PhBaptiste : "Nous ne devons pas paupériser les métiers de la recherche. Il faut qu'ils soient bien payés. Je suis très mobilisé là-dessus" pic.twitter.com/AGakx9s2CW
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"Il ne faut pas interdire le voile à l'université"
Alors que certains appellent à interdire le port de signes religieux à l’université, Philippe Baptiste oppose un refus net. "Non, absolument pas !", répond-il à Jean-Jacques Bourdin. "L’université accueille des adultes, avec leurs convictions." Pour lui, la situation n’a rien à voir avec celle des établissements scolaires. "Vous pouvez venir avec votre kippa, votre voile ou votre croix", précise-t-il, tant que le cadre du respect et du débat est préservé.
Faut-il interdire le voile à l'université ? "Non, absolument pas ! L'université accueille des adultes, avec leurs croyances, et ce n'est pas un sujet aujourd'hui" déclare @PhBaptiste pic.twitter.com/2sy1527g6j
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Sur la question de l’antisémitisme, le ministre se montre tout aussi ferme. "Nous ne laissons rien passer sur l’antisémitisme et le racisme à l’université", martèle-t-il. Une quarantaine à une cinquantaine de faits sont signalés chaque année, "mais on ne les voit pas tous", reconnaît-il. "Il y a un ressenti, notamment de la communauté israélite, qu’il faut prendre très au sérieux." Pour y répondre, il indique avoir "réuni les présidents d’université dès [son] arrivée" afin de mettre en place des outils disciplinaires rapides, parfois en lien direct avec les rectorats. "C’est un travail qui est déjà lancé et qui va changer beaucoup de choses", assure-t-il.
.@PhBaptiste : "Il y a une cinquantaine de faits d'antisémitisme à l'université remontés chaque année. C'est très peu, ça veut dire qu'on ne les voit pas tous. Il faut qu'on y soit attentifs" pic.twitter.com/fTqsBgUEiE
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Orientation : "On a le droit de se tromper, de changer"
Alors que la Cour des comptes alerte sur le faible taux de réussite en licence en trois ans — seulement 36% des étudiants — Philippe Baptiste appelle à nuancer l’analyse. "Il y a énormément d’étudiants qui rentrent et qui se réorientent", explique-t-il. Pour lui, l’université doit aussi permettre ces allers-retours. "On a le droit de se tromper, de changer", insiste-t-il. Le ministre revendique une approche plus souple de la réussite. "La bonne mesure, ce n’est pas de savoir si on a sa licence à 21 ans, sans aucun échec."
Il plaide pour le développement de dispositifs de remise à niveau, notamment pour les bacheliers professionnels, dont certains "ont parfois des difficultés pour lire un texte simple". Ce public, accueilli de droit à l’université, nécessite un accompagnement adapté. "Il faut travailler sur des mécanismes qui permettent de remettre au niveau les étudiants", affirme-t-il. Une manière, selon lui, de garantir à chacun un véritable droit à l’orientation, sans stigmatiser les parcours plus lents ou moins linéaires.
36% des étudiants obtiennent leur licence en 3 ans, selon la Cour des comptes : "On a le droit de se tromper, de changer. Nous devons travailler sur des mécanismes de remise à niveau des étudiants" selon @PhBaptiste pic.twitter.com/0W9tUmsc45
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