Bétharram, santé mentale, travail, croissance : Sandrine Rousseau a répondu aux questions de Jean-Jacques Bourdin.
Bétharram : "quand on ne veut pas voir, on a une forme de complicité active ou passive"
Sandrine Rousseau remplace au pied levé Alain Esquerre, porte-parole du collectif des victimes de Bétharram, qui se trouve fatigué par la charge qu'il a prise. Elle tient à avoir un mot pour les victimes de violences, qui traversent des périodes difficiles, même à l'âge adulte. "On est tous et toutes là. Non seulement pour vous soutenir mais aussi pour vous suppléer si vous n'êtes pas là." Concernant l'affaire Bétharram, Sandrine Rousseau a "toujours été très surprise que la première réponse de François Bayrou ait été 'oui, nous savions que nous envoyions là-bas les enfants les plus difficiles pour les discipliner'." Cela veut dire que ceux qui connaissaient Bétharram savaient que "la pédagogie là-bas utilise une forme de violence". En tout cas de violence physique car "les violences sexuelles c'est toujours particulier. On peut imaginer qu'il y ait des difficultés à ce niveau-là."
Sandrine Rousseau : "Quelles sont les valeurs de François Bayrou ? Au nom de quoi a-t-il envoyé ses enfants là-bas ? Au nom de quoi a-t-il validé cette violence ? Au nom de quoi a-t-il subventionné cet établissement ?" pic.twitter.com/gTpwEgAPun
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A Bétharram, il y avait "une volonté de dresser les enfants, c'est ça le sujet. Comment on ne les dresse pas, comment on accepte des tortures sur les enfants. C'est de la torture physique et psychologique. La question c'est 'quelles sont les valeurs de ce premier ministre ?' Au nom de quoi il a envoyé ses enfants là-bas ? Comment il l'a validée ? Est-ce que ça répond aux valeurs de la France d'aujourd'hui ?' La réponse est non." François Bayrou doit être auditionné le 14 mai pour faire toute la lumière sur son rôle dans l'affaire Bétharram. Sandrine Rousseau estime qu'il doit être "confronté à ses contradictions. Un établissement qui fait autant de mal à autant d'enfants, s'il a pu perdurer c'est qu'il y a eu plein de personnes qui ont fermé les yeux." Or, "quand on ne veut pas voir, on a une forme de complicité active ou passive."
"Les enfants en France vont extrêmement mal"
A Nantes, un élève armé d'un couteau a tué une élève et en a blessé plusieurs autres. Sandrine Rousseau alerte sur la santé psychiatrique des enfants. "J'ai fait une mission d'information pour les urgences psychiatriques. Dans le cadre de cette mission avec une député Renaissance, nous avons contacté un état de la pédopsychiatrie extrêmement dégradé." " Je ne sais pas si cet enfant était suivi", précise-t-elle. Mais "derrière les couteaux il faut voir les enfants, les enfants en France vont extrêmement mal. Le taux de suicide chez les jeunes femmes de 9 à 20 ans a augmenté de 570%", prévient Sandrine Rousseau. Elle ajoute que "les garçons envoient la violence à l'extérieur." "Ce n'est pas de l'ensauvagement", assure-t-elle, mais "les enfants ne vont pas bien. Quand les enfants ne vont pas bien, c'est la société toute entière qui ne va pas bien."
Attaque au couteau dans un lycée à Nantes : "Ce n'est pas un ensauvagement comme le dit @BrunoRetailleau, c'est juste que nos enfants ne vont pas bien" affirme Sandrine Rousseau pic.twitter.com/d0OJ89AuF0
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Sandrine Rousseau voit à cette situation trois raisons. D'abord les "violences intrafamiliales, notamment pendant le Covid-19". Ensuite "les réseaux sociaux, notamment Tik-tok. Je pense qu'il faut vraiment réguler l'accès à Tik-tok. Si vous avez des pensées suicidaires, Tik-tok vous envoie des images sombres". Enfin une certaine anxiété des enfants qui "ne se voient pas d'avenir." Dans le cas particulier de l'enfant ayant commis l'attaque au couteau de Nantes, "on percevait une forme d'extrémisme, on aurait dû avoir des signaux d'alerte, ces signaux d'alerte auraient dû être interprétés", s'insurge Sandrine Rousseau. Elle dénonce "cette tendance qu'on a à ne pas prendre soin de nous-mêmes. On laisse des enfants en détresse s'enfoncer dans la détresse. Pourquoi les signaux qu'il a posés n'ont pas été interprétés ? Il y a un sujet autour de la violence, mais il y a aussi un problème de santé."
Sandrine Rousseau : "Il faut entendre la crainte des jeunes sur l'avenir, tant sur le plan géopolitique qu'écologique" #Nantes pic.twitter.com/1SKHPcplHt
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"Je crois au progrès technique, mais pas pour sauver la planète"
Alors que Fabien Roussel a annoncé hier sur Sud Radio son slogan pour 2027, demandant du travail pour tous, Sandrine Rousseau se demande si les slogans pour 2027 sont "vraiment la priorité". Elle ajoute néanmoins que "le travail est source de souffrance. 44% des salariés se disent en situation de souffrance psychique extrême." Selon elle, le vrai sujet est "comment on a des conditions de travail qui nous permettent d'être épanouis." "Quand on parle de droit à la paresse, on dit qu'on travaille d'autant mieux qu'on a le temps de se reposer. On va bien quand on a du temps pour nous même." "On est dans une société qui nous pousse vers le toujours plus, on va chercher l'argent plutôt que nos conditions de vie", regrette-t-elle.
Sandrine Rousseau : "Que @Fabien_Roussel travaille sur les slogans pour 2027… Bon, ce n'est pas la priorité. Le travail est source de souffrance pour 44% des Français. (...) Avec le droit à la paresse, on travaille d'autant mieux qu'on a le temps de se reposer" pic.twitter.com/s0BsKJOVvq
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"Il ne faut pas désindustrialiser mais il faut se poser cette question fondamentale : de quoi on a besoin ?" explique Sandrine Rousseau. "L'aviation fait partie de ces industries qui nous menacent, qui menacent notre avenir, véritablement." "C'est l'orientation de notre système économique que l'on doit interroger, on travaille un peu moins mais on travaille mieux. On travaille dans des domaines moins carbonés, on crée des emplois, on a des activités qui sont plus intensives en main d'oeuvre." "Il n'y a aucun progrès technique qui nous sauvera. Je crois au progrès technique, mais pas pour sauver la planète", martèle Sandrine Rousseau. "La biodiversité s'effondre", alerte-t-elle, et il ne s'agit pas de reprocher aux éoliennes de décapiter les oiseaux car "entre une éolienne et un avion il n'y a pas photo."
"On suit l'idéologie de Trump, Musk et Poutine ! On se trompe totalement de priorité !" dénonce Sandrine Rousseau pic.twitter.com/NBi7sS2T8b
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"Il n'y a plus un service public qui fonctionne !"
"Interrogeons-nous sur ce dont nous avons besoin", insiste Sandrine Rousseau. De budget pour la défense ? " On a doublé le budget, on est le pays d'Europe qui mettons le plus sur notre défense, il y a une défense européenne à mettre en place, ce n'est pas à la France de faire tous les efforts." D'autant qu'à côté de la défense, "plus rien ne fonctionne, il y a des gens qui font des centaines de km pour avoir un scanner." "On se dit que c'est l'aviation la priorité alors qu'il n'y a plus un service public qui fonctionne ! Les gens ont besoin de vivre correctement dans leur territoire !" s'insurge Sandrine Rousseau. Elle estime donc que l'Etat doit repenser sa façon de s'engager dans les différents secteurs de l'économie, notamment en reprenant une partie d'ArcelorMittal. "Ca fait partie des solutions qui sont sur la table, que l'Etat s'engage davantage. Arcelor Mittal produit des choses qui sont absolument indispensables, ça fait partie des solutions que nous devrions regarder plutôt que d'aller vers un libéralisme sans fin", affirme-t-elle, regrettant que "l'argent public ne [serve] pas quand il s'agit de sauver des emplois."
Sandrine Rousseau : "Interrogeons-nous, avons-nous besoin de mettre nos milliards sur des avions ou des milliards sur des services de proximité, sur la santé, sur le logement… ?" pic.twitter.com/1T6UMPO4tQ
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Enfin, Sandrine Rousseau estime que mettre les drapeaux en berne pour marquer le deuil du pape François n'est "pas respectueux de la loi de 1905 de séparation de l'Eglise et de l'Etat." "C'est ne pas être à la bonne distance, quand on a séparé l'Eglise et l'Etat on l'a fait parce que l'Etat devait être à une égalité de traitement de tous les citoyens." Elle se dit également inquiète pour le parti Europe-Ecologie-Les-Verts dans la manière dont s'est déroulé le Congrès cette année. "Il y a eu 6 000 votants sur 200 000 sympathisants, ce qui est très faible." "Il y a une forme de personnification, ça n'est pas le parti que j'ai connu. Je voudrais qu'on revienne à nos fondamentaux, l'écologie a aussi été une autre manière d'être en démocratie."
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