La montée du libertarianisme dans le monde portée par Elon Musk et Javier Milei, l'hypothèse d'un référendum en France en 2025... Gaspard Koenig a répondu aux questions de Jean-Jacques Bourdin.
Trump, Musk, Milei... le libertarianisme "est en train de devenir un phénomène mondial"
Le premier événement mondial majeur de l’année 2025 sera fort probablement l’investiture de Donald Trump qui se tiendra le 20 janvier. "Il peut y avoir pire avant !", ironise toutefois Gaspard Koenig, essayiste et auteur de Agrophilosophie. Réconcilier nature et liberté (L’Observatoire). Le nouveau président des Etats-Unis ne manque toutefois pas d’inquiéter le penseur : "je pense que quelqu’un qui a participé ou encouragé un coup d’État dans une des plus grandes démocraties du monde, les Etats-Unis d’Amérique, est discrédité à vie".
Mais malgré ça, Gaspard Koenig rappelle qu’il "vient de quelque part et ses idées viennent de quelque part". Les idées de Donald Trump, mais surtout de son nouveau meilleur ami Elon Musk, sont des idées libertariennes qu’on retrouve, entre autres, chez le président argentin Javier Milei. "C’est très clair s’agissant de Musk et Milei : les deux se revendiquent ou se sont revendiqués de la pensée libertarienne." Cette pensée, née dans les années 70 et peu connue en France jusqu’alors, "est en train de devenir un phénomène mondial", analyse le philosophe.
Les libertariens qui soutiennent l'extrême-droite "c’est intellectuellement contradictoire"
Alors que certains rapprochent le libertarianisme d'une sorte de nouveau fascisme façon années 30, c’est tout l’inverse, explique Gaspard Koenig. Le fascisme de l’entre-deux guerres prônait un Etat fort. Au contraire, aujourd’hui, "ces figures très autoritaires sont là assez explicitement pour détruire l’Etat". Javier Milei a sorti la tronçonneuse, tandis que Donald Trump a nommé dans les administrations américaines "des gens qui sont leurs ennemis revendiqués".
Si le libertarianisme a du succès, c’est qu’il est "assez séduisant" car "c’est une pensée de la liberté absolue". Mais, originellement, le libertarianisme est une pensée très ouverte avec "une tolérance absolue sur les mœurs, les religions, les croyances". "Vivre libre et laisser les autres vivre."
Mais, paradoxalement, aujourd’hui le libertarianisme de Milei et Musk s’accompagne d’un conservatisme sur les mœurs, comme le montre la croisade d’Elon Musk contre ce qu’il appelle le "wokisme". "J’avais écris un papier qui s’appelle l’autoritarisme libertarien", souligne Gaspard Koenig. "Parce qu’effectivement ça devient une doctrine, une idéologie aussi rigide que les trotskistes par rapport au marxisme. C’est une grille de lecture du monde qui est complètement monolithique et n’admet plus la nuance."
Alors que Milei et Trump sont de "vrais nationalistes", ils se plantent complètement : "un vrai libertarien est un internationaliste". Pour Gaspard Koenig, de fait, le soutien d’Elon Musk à l’extrême droite notamment européenne, "c’est intellectuellement contradictoire". Mais c’est l’évolution du mouvement. Le libertarianisme aujourd’hui prône "une liberté absolue sur le plan économique" mais "est de plus en plus fermé sur le plan culturel".
Un référendum en 2025 pour redonner la parole aux Français ? "ce n’est pas la parole qu’il faut donner, c’est le pouvoir"
En France, Emmanuel Macron a une nouvelle fois parlé de donner la parole aux Français lors de ses vœux de fin d’année. S’il n’a pas prononcé le mot "référendum", la question se pose de savoir s’il en organisera un, alors qu’il l’a quasiment promis chaque année depuis 2017 sans en organiser un seul. Gaspard Koenig, lui, estime tout simplement que "ce n’est pas la parole qu’il faut donner, c’est le pouvoir". "C’est quand même, normalement, le fondement de toute démocratie."
Pour lui, "le référendum national est compliqué à mettre en place" en France car la société n’est plus habituée. Il conseillerait donc de prendre exemple sur la Suisse où le débat et les décisions sont prises en grande partie par la population via des débats et des votations. "Les citoyens, réunis, au niveau local, décident des lois qui vont constituer la moitié de leur législation pour l’année à venir. Et c’est des lois importantes au niveau local."
"Avant d’aller vers le référendum national, il faudrait retrouver l’usage du référendum local"
Si le Président veut rendre le pouvoir, il devrait inciter les référendums au niveau local. "Avant d’aller vers le référendum national, il faudrait retrouver l’usage du référendum local", au niveau de la région, du département ou encore de la municipalité en fonction des sujets. "Depuis 1992, c’est permis par la loi en France", souligne d’ailleurs Gaspard Koenig. Or, ce n’est quasiment jamais utilisé : "ça s’est fait 300 fois, en 30 ans, pour 36.000 communes".
Pour lui, la raison est simple : "la décision de déclencher un référendum local décisionnel" est la prérogative du maire, du pouvoir exécutif. "Le maire n’a aucun intérêt à se dessaisir de son pouvoir". Il faudrait donc instaurer "un droit pétitionnaire" qui permettrait de déclencher des référendums décisionnels sur la base d’un nombre donné de signatures.
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