Demande d'asile, immigration de travail, intégration et capacité d'accueil : Didier Leschi, directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, a répondu aux questions de Jean-Jacques Bourdin.
Dans l'immigration, "au-delà de la question du nombre, il y a la question de l'accueil"
Entre l'arrivée d'une dizaine de milliers de migrants à Lampedusa et la menace d'expulsion qui pèse sur de nombreux travailleurs sans-papiers, la question de l'immigration est sur toutes les lèvres. "C'est un débat très technique", tempère Didier Leschi, directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, "il faut être précis, ne pas se laisser prendre par l'émotion dans un sens ou dans un autre", "il faut garder un équilibre parce qu'il faut garder sa part d'humanité, c'est en rapport avec des individus, des personnes, on ne peut pas simplement être pris par le tragique pour résoudre des questions qui sont épineuses". L'immigration est en effet un sujet plus complexe que ce que l'on a l'habitude de traiter, avec une immigration qui doit toujours être prise "au pluriel" et qui rencontrent plusieurs crises. "Nous avons démantelé les usines, ça a une incidence sur l'intégration, aujourd'hui, on a une crise du logement et la question du logement est centrale", détaille Didier Leschi.
Au delà des bons sentiments dont chacun aimerait se parer, il y a donc des réalités parfois dures à entendre. "Il faut voir en quoi cette immigration participe de la richesse collective ou en quoi elle peut déchirer le tissu social", martèle Didier Leschi. L'immigration de travail en est un bon exemple. "Aujourd'hui, on a une immigration de travail qui se développe et nous avons une difficulté, la demande d'asile". Or, "on fait venir tous les ans 16.000 travailleurs saisonniers du Maroc pour l'agriculture. Est-ce que sur le plan écologique, il ne serait pas préférable d'attirer une partie des 30.000 réfugiés à qui nous donnons des permis de séjour tous les ans ?"
"Les deux tiers des personnes qui s'inscrivent comme demandeurs d'asile ne relèvent pas de l'asile"
L'un des problèmes majeurs de l'immigration est la question des demandeurs d'asile. "L'accueil est un devoir d'humanité pour ceux qu'on a appelé pendant très longtemps les réfugiés politiques ou ceux qui sont victimes de guerre", explique Didier Leschi. Or, cette demande d'asile s'est tellement développée que certains pays européens sont obligés de prendre des mesures contraignantes. Ainsi, "la Belgique dit qu'elle ne peut plus héberger les demandeurs d'asile hommes célibataires". "Dans ces demandeurs d'asile, continue Didier Leschi, nous avons des Afghans, on comprend pourquoi mais nous avons beaucoup de subsahariens : Ivoiriens, Sénégalais, Maliens, la majorité sont des hommes". Or, ces personnes qui allongent les files de la demande d'asile ne sont pas en danger.
La demande d'asile doit donc être traitée différemment, ce sur quoi travaille l'Europe actuellement. "Ce que propose l'Europe, c'est de mettre en place sur le continent européen des zones où on traiterait très rapidement la demande de ceux qui relèvent manifestement du droit d'asile". Quant aux autres, ils pourraient être renvoyés dans leur pays d'origine. Actuellement, les délais peuvent être très longs car "toute personne qui a un refus de l'OFPRA peut demander à la Cour internationale du droit d'asile de réexaminer sa situation." De quoi au moins doubler la durée de traitement d'un dossier.
"La frontière est quelque chose qui protège les droits sociaux"
Logement, travail... L'immigration pose aussi des questions sur les droits acquis, qu'ils soient sociaux ou sociétaux. Pour "une partie de l'immigration", on a "des problèmes d'intégration qui se posent". Prenons l'exemple de la Suède : "présentée comme un grand pays d'accueil, ce pays est confronté à des problèmes d'intégration extrêmement forts". Résultat, elle fait partie de ces pays qui "s'interrogent pour savoir si leur modèle social peut tenir". La question est ici celle des "acquis sociétaux", malheureusement illustrée par le drame des caricatures, qui commence au Danemark et trouve son point d'orgue dans les attentats de Charlie Hebdo.
L'immigration, et tout particulièrement l'emploi de travailleurs sans-papiers, occulte aussi certaines questions autour du monde du travail. "Dans ce qu'on appelle les métiers en tension, il y en a beaucoup qui sont des métiers qualifiés", et il n'est donc "pas certain" que les travailleurs sans-papiers puissent prendre ces postes. En réalité, "cette immigration de travail est une immigration de travailleurs qualifiés". Le traitement médiatique autour des travailleurs sans-papiers "participe d'un refus d'examiner précisément ce que sont ces métiers, pourquoi ce sont des métiers sous-payés".
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