Boualem Sansal, fin du Ramadan, relations franco-algériennes, immigration, antisémitisme, islamisme, port du voile : Chems-Eddine Hafiz a répondu aux questions de Jean-Jacques Bourdin.
"J’appelle de mes vœux la grâce de Boualem Sansal"
Boualem Sansal a été condamné à cinq ans de prison et 500.000 dinars d’amende, ce qui correspond à environ 3.500 euros, pour atteinte présumée à l’intégrité du territoire algérien. "Je le dis et je le répète, j’appelle de mes vœux la grâce de Boualem Sansal", déclare Chems-Eddine Hafiz. Évoquant l’état de santé fragile de l’écrivain et de son épouse, il a souligné que la période du Ramadan, moment de pardon dans l’islam, devrait être l’occasion pour les autorités algériennes de faire preuve de clémence. "C’est un être humain, quoi qu’il ait dit, quoi qu’il ait fait, six mois de prison, c’est déjà trop pour lui", a-t-il insisté.
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Algérie : Le recteur de la Grande Mosquée de Paris @chemshafiz appelle le Président Tebboune à la grâce de Boualem Sansal pic.twitter.com/SQAN1LyDyo— Sud Radio (@SudRadio) March 28, 2025
Le recteur de la Grande Mosquée de Paris a rappelé que le procès de Boualem Sansal s’était tenu devant le tribunal correctionnel et non la cour criminelle, soulignant une volonté de modération de la justice algérienne. Pour Chems-Eddine Hafiz, si l’auteur ne fait pas appel de la décision, "il pourra bénéficier de la grâce présidentielle". Il dit croire à une issue positive : "Je pense que le président Tebboune va décider de sa grâce."
Algérie : "J'appelle de mes vœux à la grâce de Boualem Sansal, à l'occasion du Ramadan, qui est un moment de pardon. Je pense que le président Tebboune le fera" déclare @chemshafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris pic.twitter.com/nFfsHZ1lCk
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Boualem Sansal : "Son avocat n’a jamais été refusé parce qu’il est juif"
Interrogé sur la polémique entourant l’accès de l’avocat français François Zimeray, de confession juive, au dossier Sansal, Chems-Eddine Hafiz a catégoriquement démenti toute discrimination. "C’est faux. Personne, sous l’autorité du président Tebboune, n’a refusé son entrée parce qu’il est juif", a-t-il tranché. Il a expliqué que le premier refus de visa tenait à un vice de procédure. François Zimeray avait été constitué par l’éditeur Gallimard et non par l’intéressé lui-même, ce qui est contraire aux règles du droit pénal. Une seconde demande, cette fois correctement constituée, "n’a pas reçu de réponse mais n’a pas été refusée".
"Les autorités algériennes n'ont jamais refusé l'avocat de Boualem Sansal, François Zimeray, parce qu'il était juif" affirme @chemshafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris pic.twitter.com/9X9Nt2Napk
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Le recteur de la Grande Mosquée de Paris a défendu l’image du président algérien, qu’il connaît personnellement. Pour illustrer ses propos, il a cité le cas de Patrick Bruel, "de confession juive", qui a pu se rendre sans encombre en Algérie avec sa mère, grâce à l’intervention directe du président Tebboune. "On essaie de faire passer le président pour un antisémite, c’est injuste", a-t-il déclaré.
"Patrick Bruel est allé en Algérie avec sa mère, grâce au président Tebboune, qu'on tente aujourd'hui de faire passer pour un antisémite" dénonce @chemshafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris pic.twitter.com/bqJsimXJmY
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"Les OQTF vers l’Algérie auraient pu être respectées si l’on avait respecté les règles"
Pourquoi l’Algérie refuse-t-elle de reprendre ses ressortissants obligés de quitter le territoire français ? "C’est un concours de circonstances malheureuses" estime Chems-Eddine Hafiz. Il admet la gravité de l’attentat de Mulhouse mais refuse l’idée que l’Algérie serait systématiquement fautive dans la non-exécution des Obligations de Quitter le Territoire Français (OQTF). "Est-ce qu’aujourd’hui, il n’y a que l’Algérie qui ne récupère pas ses OQTF ?"
Le recteur nuance la responsabilité en mettant en cause le respect des procédures. "Les OQTF vers l’Algérie auraient pu être respectées si l’on avait respecté les règles." Il évoque un cas particulier où "on a mis quelqu’un dans un avion qui vit avec une Française, il a des enfants français". Selon lui, ce type de situation, mal traité juridiquement, crée des blocages dans la coopération entre États. "On force le trait dans tout ce qui concerne l'Algérie et les Algériens", déplore-t-il. appelant à une vision plus équilibrée dans la gestion de ces affaires. "Aujourd'hui on ne cherche pas l'apaisement".
Pourquoi l'Algérie ne reprend-elle pas ses OQTF ? "L'attentat de Mulhouse est un concours de circonstances malheureuses. Pour le reste, les OQTF vers l'Algérie auraient pu être respectées si l'on avait respecté les règles" pour @chemshafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris pic.twitter.com/npONomBnKf
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"Les actes antisémites ne sont pas commis au nom de la religion"
Face à la montée des actes antisémites en France, Chems-Eddine Hafiz refuse tout amalgame. "Ce ne sont pas des musulmans qui les commettent au nom de la religion. Ce sont des antisémites. Des haineux", affirme-t-il. Il cite l’histoire de la Grande Mosquée de Paris pendant la Seconde Guerre mondiale : "En 39-45, le recteur de la mosquée sauvait des juifs. Aujourd’hui, bien sûr, je ferais la même chose."
"Les actes antisémites d'aujourd'hui ne sont pas commis par des musulmans au nom de la religion. Ils sont commis par des antisémites, des haineux !" affirme @chemshafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris pic.twitter.com/zfNJI2AprU
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Rappelant ses liens avec le grand rabbin Haïm Korsia, il défend l’idée d’un dialogue interreligieux renforcé. "On a essayé de prendre des initiatives, mais on nous a attaqués. Lui par sa communauté, moi par la mienne", déplore-t-il. Chems-Eddine Hafiz veut rester un "homme de paix". Il rejette les propos de Manuel Valls, qui affirmait que la haine des juifs viendrait du monde arabo-musulman. "Je suis un peu déçu. Quelles sont les preuves ?", demande-t-il. Pour lui, l’antisémitisme ne doit pas devenir un prétexte à la stigmatisation.
"Non, la haine des juifs ne vient pas du monde arabo-musulman. Manuel Valls est un ami, je suis un peu déçu. Quelles sont les preuves ?" lance @chemshafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris pic.twitter.com/KrxxJaSia3
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"Depuis la fin du Covid, il y a un véritable engouement pour la spiritualité"
Chems-Eddine Hafiz revient sur la célébration imminente de l’Aïd el-Fitr, marquant la fin du mois de Ramadan. Il a précisé que "très probablement, ce sera dimanche matin". Il explique que la date est déterminée par une commission religieuse qui s’appuie sur les rapports des observatoires astronomiques. Le recteur insiste sur la fréquentation grandissante des lieux de culte. "Depuis la fin du Covid, il y a un véritable engouement pour la spiritualité", affirme-t-il.
Il observe ce phénomène à travers la fréquentation record de la Grande Mosquée de Paris chaque vendredi. "Le premier office tourne entre 12.000 et 14.000 fidèles, et le second entre 3.000 et 4.000." Ce regain d’intérêt pour les rites religieux ne se limite pas à l’islam, selon lui. "C’est valable pour toutes les religions", indique-t-il, évoquant un retour vers le sens, le rituel et la pratique après la crise sanitaire. Pour faire face à cette affluence, la mosquée a même dû instaurer deux offices hebdomadaires et travailler avec les forces de l’ordre pour garantir la sécurité et l’accès des fidèles.
"Depuis la fin du Covid, il y a un véritable engouement pour la spiritualité" signale @chemshafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris pic.twitter.com/xnIDMd6XiL
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"Il y a une discrimination envers les musulmans tous les jours aujourd’hui en France"
Chems-Eddine Hafiz affirme que "les musulmans sont discriminés tous les jours aujourd’hui en France". Il alerte sur les effets de cette stigmatisation, notamment sur la jeunesse musulmane, qui peut se sentir mise à l’écart. "Un gamin de 13-14 ans, qui est français jusqu’au bout des ongles, mais qui est musulman, qui regarde ça, qu’est-ce qu’il pense ? Il a envie de quitter la France", a-t-il expliqué, sans excuser ni justifier aucune dérive.
"Il y a une discrimination envers les musulmans tous les jours aujourd'hui en France. On pousse les jeunes vers les Frères musulmans" alerte @chemshafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris pic.twitter.com/DGO1T6b7Pa
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"Moi, j’ai choisi d’être français. J’aime la France" affirme le recteur de la Grande Mosquée de Paris. Il évoque son admiration pour Robert Badinter lorsqu’il était étudiant en droit en Algérie. Il appelle à reconnaître les efforts d’intégration de la communauté musulmane et à cesser les "procès" et les "attaques inouïes" dont il dit faire lui-même l’objet, en tant que représentant d’une institution religieuse.
"J'ai choisi d'être français parce que j'aime la France. Aujourd'hui, je suis malheureux que l'on puisse traiter l'Algérie de la sorte, un partenaire qui a toujours été aux côtés de la France" regrette @chemshafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris pic.twitter.com/ECGbwG47Se
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"L’islamisme menace la République"
Chems-Eddine Hafiz ne fait pas de détour lorsqu’il s’agit de dénoncer les dérives islamistes. "L’islamisme menace la République", a-t-il affirmé clairement, rappelant qu’il a lui-même rédigé un manifeste contre le terrorisme islamiste. Il insiste sur la distinction entre islam et islamisme, ce dernier étant une idéologie politique, y compris dangereuse dans les pays musulmans eux-mêmes. "L’islamisme, c’est un danger pour la France, mais aussi pour toutes les démocraties", a-t-il souligné.
Le recteur indique qu’il vit sous protection policière depuis ses prises de position fermes, notamment après l’assassinat de Samuel Paty. Il a rappelé avoir condamné sans réserve cet acte, ainsi que d’autres attentats islamistes perpétrés en France, notamment dans la basilique de Nice. "Nous sommes les premières victimes de l'islamisme", a-t-il dit au sujet des musulmans.
"Oui, les islamistes me menacent. Je vis sous protection policière depuis l'assassinat de Samuel Paty (...) Les musulmans sont les premières victimes de l'islamisme" rappelle @chemshafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris pic.twitter.com/fMsXak1bD1
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"La loi de la République est au-dessus de la loi divine"
Sur la laïcité et le port du voile, Chems-Eddine Hafiz se montre pragmatique. "La liberté religieuse est totale, sauf lorsqu’il y a atteinte à l’ordre public", affirme-t-il. Il reconnaît que le voile peut être perçu comme un symbole revendicatif en France, mais souligne qu’il ne constitue pas une obligation stricte dans le Coran. "Il y a la notion de pudeur comme dans les autres religions monothéistes. Pas un vêtement spécifique", précise-t-il.
Concernant l’application de la loi, il est clair : "Les musulmans sont respectueux des lois." Il rappelle que l’interdiction du voile à l’école (2004) et de la burqa (2010) n’ont jamais donné lieu à des poursuites ou à des contestations juridiques majeures. "La loi prime pour vous et pour moi", déclare-t-il à Jean-Jacques Bourdin. "Oui les lois de la République sont au-dessus de la loi divine".
Retrouvez "L’invité politique" chaque jour à 8h30 dans le Grand Matin Sud Radio avec Jean-Jacques Bourdin
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