Usant et abusant de ralentis, de crincrins et de geignements pénibles, les quelques extraits du film racontant la jeunesse de Recep Tayyip Erdoğan, nous montre un président de la République turque avec une moustache encore meilleure que celle de l'original. Pourtant, il ne semble pas que cette argument suffise, puisque le film n'a pas déplacé les foules. Depuis sa sortie, le trois mars dernier, les cinémas turques n'ont pas enregistré plus de 200 000 spectateurs.
Si l'on peut fantasmer que ce désintérêt pour la vie du chef de l'état se verra dans les urnes lors du référendum du 16 avril, on pourrait aussi bien dire que les partisans d'Erdogan adoptant plutôt la foi islamique que la tradition laïque d'Atatürk ne goûtent pas vraiment ce genre de divertissement, même lorsque que celui-ci traite leur chef avec déférence. Ainsi, le réalisateur Hudaverdi Yavuz se défend, en disant avoir voulu faire « simplement un bon film », tandis que l'opposition l'accuse d'être un propagandiste.
Gloire et décadence du cinéma turc
De plus, on retrouve dans le film, quelques citations qui sentent bon la tolérance de l'autre dans sa différence, notamment lorsqu'un Erdogan, plus jeune il est vrai, citait un poète nationaliste turc : « “Les mosquées sont nos casernes, les minarets, nos baïonnettes et les croyants nos soldats”. Avec un tel menu, il n'est pas certain que le film Reis puisse se refaire une santé financière en passant dans les salles obscures d'occident.
En réalité personne ne sait si ce film aura une influence véritable sur le référendum en Turquie, mais ce que l'on sait, c'est que la suite des aventures de Recep Tayyip Erdoğan est en cours de tournage, puisque Reis bénéficiera de deux suites. Pour ceux qui souhaiteraient découvrir le cinéma turc, mais n'apprécient pas trop Erdogan, on leur conseillera Turkish Star Wars, dont le propos rayonne tel dix mille soleils, ou En Büyük yumruk (Le Plus grand poing), ou l'indestructible Cüneyt Arkin savate des mafieux à grosses moustaches.