Le 5 septembre 2024 à 22h40, Canal+ diffuse "Cuisines hors de portée : A bord d’un sous-marin nucléaire", un film documentaire de 52 minutes imaginé et présenté par Fred Chesneau et réalisé par Olivia Chiché et Julien Fouilhé.
Fred Chesneau : "Je vais vraiment les emmener là où ils ne pourront jamais aller"
Après avoir sillonné le monde et la France pendant près de 20 ans à la découverte des traditions culinaires, mais surtout des hommes et des femmes qui les pratiquent, Fred Chesneau s’est mis en tête d’explorer des cuisines où quasi personne ne peut en franchir les portes, des cuisines hors de portée.
D’où lui est venue cette idée d’explorer les cuisines insolites et inaccessibles ? "C’est une idée qui me trotte dans la tête depuis longtemps. Cela fait 18 ans que je fais de l’exploration des cuisines d’ailleurs. Pas mal de gens me disaient : ‘ah, tu as de la chance d'aller au bout du monde, moi, je ne pourrai jamais’. Si, après tout, c'est peut-être une histoire de moyens, il faut se payer un billet d'avion, mais c'est encore accessible. Ensuite, j'ai fait ces mêmes explorations à Paris au travers des communautés étrangères. Pour le coup, un ticket de métro, et on vivait la même expérience que moi. Et du coup, je me suis dit : ‘tiens, je vais les prendre au mot, je vais vraiment les emmener là où ils ne pourront jamais aller’. Donc, j'ai commencé par le sous-marin nucléaire", a expliqué Fred Chesneau.
Cela faisait-il peur à Fred Chesneau de partir huit jours coupé du monde ? "Ça dépend des personnes. Je crois que là, il n'y a pas de règle. Moi, personnellement, je n'ai même pas mal. Mais pour tout vous dire, je devais partir avec un cameraman, qui pourtant s'était préparé : on avait préparé le sujet, on avait préparé le film pendant des semaines, on avait fait un repérage. Et huit heures avant le départ, il a une crise de panique, il n'a pas pu rentrer. Et donc, même si on joue sur le mental, on peut lâcher l'affaire."
"Avec toutes les normes de sécurité, il y a des choses que vous ne pouvez pas cuisiner"
Comment gère-t-on le risque d’empoisonnement sur un sous-marin ? "Il est hors de question qu'on puisse empoisonner l'équipage parce que vous mettez en danger la mission. Tout est extrêmement contrôlé. Avant chaque patrouille, il faut que le chef de cuisine ait planifié tous ses menus. Ces menus vont déterminer les commandes à passer. Dire que ça représente 34 tonnes de nourriture… Et ensuite il passe commande auprès d'une sorte de centrale d'achat, c'est une sorte de Rungis dédié à la marine, si je peux schématiser comme ça. Et là, bien entendu, tout est contrôlé, tout est mis dans des cartons scellés, et tout est descellé à quai. Tout le circuit est contrôlé de A à Z. Et même nous, en tant que civils… Je peux vous dire que tous les sous-marins partent de l'île Longue - c'est la zone la plus sécurisée de France. Je peux vous dire qu'il faut montrer patte blanche. Et vous passez plus d'un portique électronique pour rentrer."
L’instabilité est un autre problème majeur dans la cuisine d’un sous-marin. "Le gros problème, c'est la prise d'assiette. La prise d'assiette, ça veut dire quand le sous-marin monte ou descend. Donc, il faut tout arrimer. C'est-à-dire que si vous n’arrimez pas, vous mettez en danger le repas parce que vous faites tomber votre sauce, ça devient vite une catastrophe. Et puis vous pouvez même vous mettre en danger, vous brûler. Tout est arrimé, il faut fermer tous les placards. Donc, c'est vraiment une gymnastique à laquelle moi, je ne suis pas habitué dans mon restaurant. Normalement je dispose de plein d'espace, mais là il y a six mètres carrés pour cuisiner. Et ce, pour 130 personnes. C'est quand même quelque chose. Ils sont trois en cuisine, j'ai été le quatrième. Par là même, ça devient une vraie complexité. Cuisiner dans un restaurant, c'est déjà dur, c'est un métier de chien. Rajoutez à ça la complexité, avec toutes les normes de sécurité par exemple… il y a des choses que vous ne pouvez pas cuisiner. Imaginez que vous vouliez faire un super cheesecake… vous ne pouvez pas. Ou une quiche, un appareil liquide, ça ne peut pas - dans le four, c’est vite la catastrophe. Les fritures sont interdites - imaginez une prise d'assiette avec de l'huile qui vous tombe dessus. Il y a pas mal de choses où on est contraint, et on doit faire avec."
"Sur un sous-marin, il y a une seule chose qui change, c'est la cuisine, c'est la bouffe"
Comme le raconte Fred Chesneau, sur un sous-marin, le menu du jour acquiert aussi une importance affective en quelque sorte. "C'est pas du luxe, L'idée, c'est de partir sous l'eau, de ne jamais refaire surface, il y a rien qui change. Il n'y a plus de jour, plus de nuit, il n'y a surtout pas de communication avec l'extérieur… Donc, rien ne change. Et il y a une seule chose qui change, c'est la cuisine, c'est la bouffe. Et du coup, ça devient un peu le centre d'intérêt de tout le monde. Et tout le monde est rivé là-dessus. La première chose qu'un sous-marinier demande quand il se lève le matin, c’est ‘qu'est-ce qu'on mange aujourd'hui ?’. Je pense que la cuisine est le garant du bon moral des troupes."
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