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Gabriel Le Bomin : "Le procès Papon pose des questionnements sur la responsabilité individuelle"

Le réalisateur Gabriel Le Bomin était l'invité de Valérie Expert et Gilles Ganzmann le 15 avril 2025 sur Sud Radio dans "Le 10h - midi".

Gabriel Le Bomin
Gabriel Le Bomin, invité de Valérie Expert et Gilles Ganzmann dans "Sud Radio Média" sur Sud Radio.

Le 16 avril 2025 à 21h05, France 3 diffusera "Le procès Papon", un montage du procès réalisé par Gabriel Le Bomin.

Gabriel Le Bomin : "Ces procès sont considérés suffisamment puissants et historiques pour être filmés, mais pas diffusés"

Durant une décennie, de 1987 à 1998, la justice française va instruire le procès de trois hommes ayant, chacun à leur niveau, contribué à la mise en place et à la réalisation d’une politique d’arrestation, de torture et de déportation de juifs et de résistants en France entre 1940 et 1944. Ces trois noms racontent à eux seuls l’articulation criminelle qui s’est opérée entre la politique menée par l’occupant allemand et celle de la collaboration engagée par l’État français, dirigé par le maréchal Pétain : Klaus Barbie, le nazi, Paul Touvier, le milicien, et Maurice Papon, le haut fonctionnaire.

"Robert Badinter est ministre de la justice en 1985, alors que Klaus Barbie vient d'arriver en France. Badinter comprend la portée historique de ces procès et autorise l'introduction dans le prétoire de caméras et de micros, ce qui est normalement interdit. La seule image qu'on a des audiences en général, c'est le dessin de presse. Et donc, ces procès sont considérés suffisamment puissants et historiques pour être filmés, mais pas diffusés. Il y a une interdiction de diffuser les images pendant cinq ans. Et donc, le ministère de la Justice vient de nous autoriser de plonger dans ces centaines d'heures des trois procès et de récolter l'ensemble de ces images pour les re-raconter. C'est 140 heures d'audience pour le procès Barbie, c'est 360 heures pour le procès Papon et 110 heures pour le procès Touvier. Donc, une jungle d'images, de paroles, de témoignages et d'émotions", a commenté Gabriel Le Bomin.

"On n'est pas du tout dans la vengeance"

Comme l'explique Gabriel Le Bomin, ce sont des témoignages encore jamais entendus par le grand public, ni même par les familles des victimes. "Effectivement, l'ensemble des témoins viennent livrer dans l'espace public du tribunal un récit intime, un récit de calvaire qui, parfois, n'a jamais été raconté dans la famille. Donc, la parole devient publique. C'est pour ça que c'est très fort. On est dans cet espace de neutralité, qui est le tribunal, on n'est pas du tout dans la vengeance, on n'est pas du tout dans la revendication, les gens viennent dire ce qu'ils ont subi et ce qu'ils ont vécu. Évidemment, tout cela a été encadré juridiquement, on a travaillé avec le ministère de la Justice et le Tribunal de grande instance de Paris, qui a autorisé la diffusion de ces images."

Ces trois personnages illustrent des parcours différents, mais toujours au service des nazis pendant l'Occupation. "En 1987, avec le procès de Klaus Barbie, s'ouvre une décennie de justice. En 1994, le procès Touvier, puis, en 1997 le procès Papon. On voit bien à travers ces trois personnages clés, à des niveaux de responsabilités différentes, mais pour un même chef d'inculpation, c'est le crime contre l'humanité. On a le nazi, qui s'engage là-dedans par idéologie, par conviction et par antisémitisme profond. Le milicien, qui est un personnage un peu gris, un peu médiocre, qui va trouver dans ces circonstances de la collaboration le moyen d'exister et de devenir quelqu'un. Et le haut fonctionnaire, Maurice Papon, qui s'engage dans la fonction publique non pas pour servir une cause criminelle - il s'engage pour servir la République", a raconté Gabriel Le Bomin.

"Maurice Papon le dit pendant le procès : il ne voit pas où est le problème, il a bien fait son travail"

Maurice Papon est sans doute le personnage le plus intriguant des trois. "Sous la troisième République, il se retrouve avec l'État français et ses lois iniques à devoir appliquer ou pas… certains ont fait un autre choix. C'est pour ça que le procès Papon est encore plus abyssal dans les questionnements qu'il pose sur la responsabilité individuelle."

Comme le rappelle Gabriel Le Bomin, Maurice Papon ne s'estimait pas coupable. "Il a une progression dans la haute administration, puis dans la carrière politique absolument exemplaire, jusqu'à sa chute vertigineuse quand il est ministre du Budget. L'affaire sort dans l'entre-deux-tours de l'élection présidentielle de 1981, ce qui n'est certainement pas un hasard. Et Maurice Papon, c'est un bon fonctionnaire : quand il sera préfet de police de Paris durant la guerre d'Algérie, il fera fonctionner la machine répressive, on lui doit le métro Charonne, on lui doit les exactions contre les manifestations d'Algériens en 1961. Donc, c'est quelqu'un qui n'est pas au service d'une idéologie, c'est pour ça que la question est fondamentale. Il obéit aux ordres, et il est vraisemblablement carriériste. D'ailleurs, il le dit pendant le procès : il ne voit pas où est le problème, il a bien fait son travail."

Retrouvez “L'invité média” de Gilles Ganzmann chaque jour à partir de 10h00 dans “Sud Radio Média” avec Valérie Expert.

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