Les 22 et 29 novembre 2024 à 21 heures, Canal+ Docs diffuse la série documentaire "French Connection", réalisée par Julien Boluen et Jérôme Korkikian et produite par Géraldine Levasseur. Elle sera également disponible sur MyCanal.
Géraldine Levasseur : "Il y avait des chimistes hors pair à Marseille qui savaient fabriquer une héroïne qui est pure à 98%-99%"
Comment cette production de drogue à Marseille a-t-elle commencé ? "La nature a horreur du vide. Donc, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, Marseille est à reconstruire, y compris la pègre. À l'époque, c'était deux voyous qui s'appelaient Paul Carbone et François Spirito qui régnaient sur la ville. Et puis, c'est vrai que les frères Guérini, qui sont des frères pauvres, illettrés, famille nombreuse, qui viennent de Calenzana, en Corse, arrivent à Marseille et décident de rentrer dans la voyoucratie. Et assez vite, ils se rendent compte qu'il y a des chimistes hors pair à Marseille qui savent fabriquer une héroïne qui est pure à 98%-99%. C'est beaucoup, beaucoup d'argent en perspective, parce qu'elle va pouvoir être coupée 8, 9, 10 fois. Et ils mettent en place toute une filière de production et de distribution aux États-Unis", a raconté Géraldine Levasseur.
Pourquoi une distribution aux États-Unis uniquement ? "Il y a deux frères Guérini : il y a Antoine et Barthélemy, surnommé Mémé. Pour lui, tout est bon pour faire de l'argent. Et quand le Luciano, la mafia italo-américaine, arrive à Marseille pour leur proposer de faire du business à destination des États-Unis exclusivement, parce que la clé n'était pas distribuée sur le territoire français pour avoir la paix, Mémé Guérini, qui est le plus jeune, a des scrupules, il ne veut pas y aller. Il pense que la drogue, ça transforme l'homme en animal. Il pense que c'est une saloperie. Mais comme le dit Milou, qui est un autre voyou qui nous parle dans la série, en Corse, c'est l'aîné qui a le dernier mot. C’est comme ça qu’Antoine va l’emporter", a expliqué Géraldine Levasseur.
"Ils ont envie de laisser une trace"
Pourquoi la police américaine s’y est-elle mêlée ? "À un moment donné, les policiers américains n’en pouvaient plus, Nixon n'en pouvait plus. C'était une crise sanitaire qui est comparable au fentanyl aujourd'hui : en 1971, aux États-Unis, il y a plus de morts d'overdose que de morts liés à la guerre du Vietnam. Et donc, le gouvernement américain a mis en place le programme de protection de témoins, pour qu'ils puissent balancer. Parce que pour lutter contre la mafia, il faut avoir un intérêt à parler. Et donc, Joseph Signoli, par exemple, c'est un voyou qui a été balancé, puisqu'ils se balançaient tous les uns envers les autres. Donc, il a payé sa dette."
Ces gens ont-ils des regrets aujourd’hui ? "À l'image, on voit tous les morts. On voit cette jeune gamine de 17 ans qui meurt d'une overdose. Elle avait la vie devant elle, et on la voit mourir comme ça dans les toilettes d'un casino à Bandol. Et à un moment donné, on lui pose la question : ‘Est-ce que vous avez des regrets ?’. Il dit : ‘Ben non, il n'y a pas de regrets’. C'est des vrais méchants", a raconté Géraldine Levasseur.
Pourquoi ont-ils accepté de parler ? "D'abord parce qu'ils sont très vieux. La plupart ont plus de 90 ans aujourd'hui. Et ils ont envie de laisser une trace. Jean-Pierre Hernandez, qu'on voit apparaître dans l'épisode 4, est décédé la semaine dernière. C'est un monsieur qui était un passeur. Il nous a raconté comment on passait l'héroïne avec les voitures, les avions, les tournées des musiciens, etc. Comment, de la production qui était faite à Marseille, ça arrivait aux États-Unis. [Pour dissimuler la drogue dans les bagages], l’imagination était débordante. Et puis c'était tellement rémunérateur qu'ils avaient intérêt à en faire passer beaucoup, beaucoup, beaucoup. Ça n'a pas été simple pour les retrouver. Minou et Miliaz étaient déjà dans notre série précédente sur Dolorès, ‘La malédiction du pullover rouge’, donc on n'a pas eu de difficulté à faire reparler Minou, en quelque sorte", a fait savoir Géraldine Levasseur.
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