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Jean-Claude Bourret : "Quand La Cinq est arrivée, la bagarre était terrible"

Par Jean Baptiste Giraud

Le journaliste Jean-Claude Bourret était l’invité de Valérie Expert et Gilles Ganzmann sur Sud Radio le 2 janvier 2024 dans "Sud Radio Média".

Jean-Claude Bourret
Jean-Claude Bourret, invité de Valérie Expert et Gilles Ganzmann dans "Sud Radio Média" sur Sud Radio.

Jean-Claude Bourret publie un livre : La Cinq, L’histoire secrète (Éditions Trédaniel).

 

Jean-Claude Bourret : "L’argent n’est pas ma première motivation, loin de là"

Jean-Claude Bourret a tout d'abord raconté la naissance de La Cinq. "Ceux qui sont milliardaires ont besoin de faire savoir qu’ils ont de la puissance. Pour cela, ils ont besoin d’avoir des médias qui seront sensibles à leur façon de concevoir la vie sociale, politique, industrielle etc. Ils achètent donc des médias. À l’époque, il n’y avait que le gouvernement en place qui était propriétaire de médias. Et c’est pour ça que la bagarre était terrible. Quand le marché s’est ouvert, on a pu créer une cinquième chaîne indépendante du pouvoir politique théoriquement. Mais c’était une grande bagarre capitaliste."

Comment s'est faite l'arrivée de Jean-Claude Bourret sur La Cinq ? "La cinquième chaîne avait été créée par Mitterrand parce qu’on disait que Berlusconi était à gauche, ce qui fait rire tout le monde. Et si la droite prenait le pouvoir, la gauche aurait au moins une chaîne, qui serait La Cinq avec Berlusconi. J'ai eu un rendez-vous avec Berlusconi et Robert Hersant, et je lui ai dit : 'je veux bien quitter TF1 et venir sur La Cinq, mais il faut que vous me disiez que vous n’interviendrez jamais dans mes journaux télévisés'. Et là, il y a eu un silence d’au moins 30 secondes. Et au bout de 30 secondes Hersant m’a dit : 'c’est d’accord'. Et jamais en cinq ans il n’est intervenu dans les journaux.

 


 

Je gagnais à l’époque l’équivalent des 6.000 euros d’aujourd’hui comme rédacteur en chef de TF1 et présentateur du journal de 13 heures et de 20 heures du week-end. Berlusconi et Hersant m’ont proposé 12.000 euros, c’est-à-dire le double. Tout le monde préfère gagner 6.000 que 12.000. Mais quand Bouygues, le propriétaire de TF1, a su que j’avais des contacts avec Berlusconi et que j’étais invité sur La Cinq, il m’a proposé 110.000 euros par mois, plus une voiture avec chauffeur 7 jours sur 7. J’ai dit non et je suis parti pour 12 fois moins sur La Cinq. L’argent n’est pas ma première motivation, loin de là, et j’en ai fait la démonstration."

"TF1 pensait que la télévision du matin que j'ai créée en 1984 ne marcherait pas"

Avant l'arrivée de Jean-Claude Bourret sur La Cinq, il y a eu son éviction de TF1... "J'étais présentateur du Journal de 20 heures de TF1. On faisait 80% ou 85% de parts de marché. Et donc il y a eu la manifestation de soutien à l'école libre, puisque le pouvoir socialiste voulait casser l'école libre, qui était une école confessionnelle. Et le pouvoir socialiste, dans sa façon de voir le fonctionnement de la société, estimait que c'était tout à fait anormal de faire élever des enfants par une confession, quelle qu'elle soit, et notamment une confession catholique. Donc il y a eu un certain nombre de manifestations qui ont précédé la grande manifestation finale de Paris. Je présentais le Journal de 20 heures ce fameux dimanche. Je crois que c'était en 1983. Et je me rends compte à 19h30, le ministère de l'Intérieur n'a toujours donné aucune estimation.

Donc je téléphone à Gaston Defferre, qui était le ministre de l'Intérieur, qui me dit : ‘Écoutez, je vous passe ma directrice de la communication parce que je suis en pleine réunion, excusez-moi’. Il me passe la directrice de la communication, qui me dit : ‘On ne donnera pas d'estimation’. Je dis : "Quoi? Vous ne donnerez pas d'estimation ? Vous vous rendez compte que les organisateurs vont dire dans un quart d'heure, avant le Journal de 20 heures, qu'il y a peut-être deux millions ou trois millions de manifestants ? Et moi je vais dire : 'Pour la première fois, le ministère de l'Intérieur a refusé de donner toute estimation'. Cela va crédibiliser l'estimation des organisateurs'.


Elle me dit : 'Bon sang, on n'avait pas pensé à ça'. Cinq minutes après elle me rappelle en me disant : 'Huit cent mille au moins'. Alors, je lui demande : 'Depuis combien de temps il n'y a pas eu une manifestation avec 800.000 personnes, selon la Préfecture de police à Paris ?'. Elle me rappelle cinq minutes après et me dit : 'Depuis la Libération'. Et je commence le journal télévisé en disant : 'Madame Mademoiselle, Monsieur, bonsoir. Paris a vécu aujourd'hui sa plus grande manifestation depuis la Libération, avec 800.000 personnes, selon le ministère de l'Intérieur, qui ont défilé dans les rues de Paris, et 2 millions selon les organisateurs'.

François Mitterrand, le président, regardait mon journal pour voir un peu comment on allait rendre compte de cette journée, qui était importante pour la gauche. Et il m'entend dire ça. Et il se retourne vers ses collaborateurs : ‘mais qu'est-ce qu'il raconte, Bourret ?’. Il y a rien dans les dépêches, ils avaient verrouillé l'Agence France Presse. Et sur France 2 ils avaient annoncé 5.000 au lieu de 800.000. Je suis convoqué à la fin du journal. Je n'ai même pas levé mes fesses de mon siège que le haut-parleur grésille : 'Bourret ! Dans le bureau de Denvers !', qui était mon nouveau directeur. Et ils m’ont viré. Et comme ils m'ont viré du 20 heures mais qu'ils ne pouvaient pas dire ‘On vire Bourret du 20 heures parce qu'il a fait son métier de journaliste’, ils m'ont convoqué pour me dire ‘On va te donner un truc formidable : tu vas créer la première télévision du matin, mais on t'enlève du 20 heures’. Ils pensaient que la télévision du matin que j'ai créée d'ailleurs en 1984 ne marcherait pas. Mais en fait ça a très bien marché. C’était Bonjour la France, c’est comme ça que Berlusconi m’a repéré."


Retrouvez “L'invité média” de Gilles Ganzmann chaque jour à partir de 10h00 dans “Sud Radio Média” avec Valérie Expert.

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