Le groupe "Les Soignantes", découvert dans l'émission "La France a un incroyable talent", donne un concert à l'Alhambra le 23 mars 2024. Elles sortent aussi un album : "Les voix du cœur".
Les Soignantes : "Chaque patient est une individualité qu'on traite, et on se souvient de nos patients", confie Aïcha
Quand on est soignant, on est confronté à des choses très difficiles. Comment met-on la distance? "Bien sûr, on est des éponges. C'est difficile en fait de trouver le juste équilibre entre avoir assez de distance et en même temps être assez proche de ses patients. Ce n'est pas facile. Et Abigaël comme moi, la musique nous aide à évacuer toutes ces mauvaises émotions qui ne sont pas faciles à gérer au quotidien. Abigaël est aux urgences, elle a beaucoup de patients. Et moi, je fais beaucoup de cancérologie, donc je traite des fois des patients qui ont mon âge et qui décèdent. Donc ce n'est pas facile. C’est vrai que la musique, ça m'aide", a répondu Aïcha.
Les soignantes se souviennent-elles de leurs patients beaucoup de temps après ? "On garde ce lien, même si on rencontre beaucoup de patients dans notre carrière. Chaque patient est une individualité qu'on traite, à chaque fois on est heureux de pouvoir aider, et on se souvient de nos patients. On n'est pas des machines, on est des humains. C'est quelque chose qui reste et qui restera", a poursuivi Aïcha.
"J'ai toujours tendance à dire qu’un bon médecin, c'est avant tout un bon être humain. Et un bon être humain, c'est quelqu'un qui ne se réduit pas à sa fonction. Avant, j'ai travaillé à l'hôpital Bichat, qui est quand même dans une zone géographique très précaire. J'ai tendance à m'évader dans l'imagination. J'écris, je lis beaucoup, je fais beaucoup de musique, je compose, et c'est ça qui fait de moi le médecin que je suis aujourd'hui, et c'est ce qui fait aussi que j'arrive à prendre du recul. Mais aussi à me connecter de façon assez profonde et différente au patient : parfois, une chanson ou un livre qu'on lit en commun peut nous rapprocher plus que juste une relation médecin-malade, qui peut être parfois un peu froide", a fait savoir Abigaël.
"Une partie des bénéfices est reversée à la Fondation de France pour aider des projets d'humanisation des soins"
Comment ces soignantes ont-elles fait pour que leurs collègues acceptent qu’elles chantent sur le lieu de travail ? "C'est quelque chose dont j'avais peur à un moment. C'est la raison pour laquelle avant, à chaque fois que je changeais d'établissement (j'ai dû changer deux fois d'établissement), j'essayais quand même de faire mes preuves sur le plan médical avant de commencer à chanter. J'ai des patients qui m'ont dit : ‘Ah mais quand je vous ai rencontrée, vous n'avez pas chanté !’. C'est normal parce que je venais d'arriver et qu'il fallait d'abord que je fasse mes preuves en tant que médecin et qu'après je puisse chanter. Parce qu’au début, forcément, ça interroge. Les gens se demandent : 'Pourquoi est-ce qu'elle chante ici ? On n'est pas là pour ça. Elle est là pour soigner'. Donc c'est vrai que pour pouvoir allier les deux, j'ai eu besoin d'abord de m'affirmer en tant que médecin pour ensuite pouvoir intégrer la musique dans mon activité", a répondu Aïcha.
"Pour nous, c'est très fort, parce que c'est aussi avoir la reconnaissance de nos deux identités en même temps, parce que c'est pas toujours facile de considérer les deux : d'être chanteuse et médecin. Dans ma vie, ça ne m'a pas rendu forcément service. C'est-à-dire que les gens ont parfois du mal à comprendre que vous puissiez être passionnée par deux choses en même temps et que vous puissiez, dans la mesure du possible et avec humilité, bien les faire. Donc du coup, on vous considère un peu comme quelqu'un de désinvolte, de dilettante, de dispersée. Et moi, je n'ai pas du tout l'impression d'être comme ça. Je suis vraiment passionnée autant par les deux. Et mes deux vies se nourrissent l'une de l'autre. Ça, c'est fondamental pour moi. Là, pour la première fois, j'ai été vraiment reconnue pour ce que je pour ce que je suis. C'était très agréable", a confié Abigaël.
Quels sont leurs projets pour l’avenir ? "Le futur reste ouvert. Après, mon rêve secret, c'est que ça génère d'autres initiatives. Il y a une partie caritative dans notre projet : il y a une partie des bénéfices de l'album et des billets de concert qui est reversée à la Fondation de France pour aider des projets d'humanisation des soins. J'espère vraiment que ça va donner envie à d'autres soignants d'exprimer leur talent, d'affirmer qui ils sont et d'affirmer aussi leur volonté d'exercer dans des conditions dignes et humaines. Si déjà ça peut servir un tout petit peu à ça, modestement ce serait magnifique", a répondu Aïcha.
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