Nous sommes le 7 janvier 2025, dix ans jour pour jour après l'attentat de Charlie Hebdo.
Marika Bret : "Pour le dixième anniversaire de l’attentat, il n'y a pas eu de soutien"
Comment Marika Bret a-t-elle appris l’attentat de Charlie Hebdo ? "Je sortais d'un rendez-vous bancaire, donc j'avais éteint mon téléphone portable. J'ai allumé mon téléphone portable, j'ai vu un nombre de messages anormalement élevés, j'en ai écouté deux. J'ai compris tout de suite qu'il se passait quelque chose. J'ai appelé de manière frénétique presque hystérique, Charb désespérément, et je n'arrivais pas à le joindre. Je m'accrochais au fait qu'il soit vivant. Et puis ensuite, je m'accrochais au fait qu'il était peut-être blessé. Et puis j'ai fini par apprendre qu'il était mort. J'ai hurlé comme jamais de ma vie, j'étouffais beaucoup. Et il fallait que je hurle parce que je n'imaginais pas, comme personne d'ailleurs, des rafales de kalachnikovs dans une salle de rédaction en plein Paris. Mais je savais que Charb était menacé depuis des années. Il y avait une affiche d'Al-Qaïda, où il y avait sa photo aux côtés de celle de Salman Rushdie : 'Recherché pour crime contre l'islam'".
Dix ans après, Marika Bret pense toujours que Charlie Hebdo a eu raison de publier les fameuses caricatures de Mahomet. Elle estime même que d’autres journaux doivent souvenir Charlie Hebdo. "Il n'y a pas eu de soutien. Et j'ai effectivement posté ce message : 'Est-ce que sur toutes les unes des journaux pour le 7 janvier 2025, il y aura un dessin de presse sur le thème 'La commémoration des dix ans" ?'. Je l'ai dit parce que je suis absolument persuadée que si les fameuses caricatures de Mahomet avaient été postées par tous les journaux, non pas par appréciation du dessin, mais par soutien à la liberté d'expression, il n'y aurait pas eu le 7 janvier 2015."
"Charb a été nommément ciblé"
Marika Bret estime par ailleurs que ces dix dernières années, la notion d’outrage a été excessivement élargie. "La notion d'offense et d'outrage a dépassé le domaine religieux, avec ces qualificatifs de boomer et de choses comme ça. Et ce qui est terrible, c'est que ça ferme le débat. Quand on dit ça, il va suffire de dire : 'Wolinski est misogyne'. Et hop, ça y est, la discussion est terminée. Au lieu d'appréhender le dessin de Wolinski, encore faut-il le lire et le comprendre. Par exemple, chez Wolinski, ce ne sont pas des dessins misogynes, ce sont ces dessins qui racontent son rapport aux femmes et les angoisses qu'il avait par rapport à ça."
Les dessinateurs de Charlie Hebdo voyaient-ils la mort venir ? "C'est une question qui me taraude. Ça a été confirmé au procès de Peter Cherif en septembre 2023. Charb a été nommément ciblé. Ils étaient à la recherche de Charb. Donc effectivement, son nom a été prononcé ce jour-là. Sinon, voyaient-ils la mort venir, je n'aurai jamais la réponse. Par contre, je suis sûre d'une chose, c'est que jusqu'à la dernière seconde il aura été debout."
Retrouvez “L'invité média” de Gilles Ganzmann chaque jour à partir de 10h00 dans “Sud Radio Média” avec Valérie Expert.
Cliquez ici pour retrouver l'intégralité de l’interview média en podcast.