Le livre L’année de Plantu 2024 : Merci qui ? paraît aux Éditions Calmann-Lévy.
Plantu : "Chez Charlie Hebdo ils sont entre eux, et ils se disent : ‘On va déconner sur des trucs qui nous plaisent’"
Comment parler de cette année pas drôle avec des dessins manifestement drôles ? "Évidemment, le bouquin, il commence par le 7 octobre. Évidemment, on ne peut pas dire que ce soit possible de faire des dessins rigolos là-dessus. Quoique, quand je vois des dessins sur Charlie Hebdo qui sont drôles, je me dis : ‘Tiens, je ne le ferais pas. Mais moi, ça me fait rire. C'est plutôt efficace, et ils ont raison de le faire’. Moi, je ne le ferais pas. J'ai un copain japonais. Quand il y a eu le drame de Samuel Paty, qui a été décapité, j'ai regardé son dessin qu'il avait publié dans le plus grand journal japonais. Il avait dessiné Macron en train de décorer un Samuel Paty décapité, donc sans tête. Je lui ai téléphoné, je lui ai dit : ‘Mais t'as pas eu des ennuis ?’. Et il ne comprenait même pas pourquoi je lui posais la question. Je lui ai dit : ‘Mais tu vois, si moi, je le fais, les gens pourraient comprendre que je me moque de la famille de Samuel Paty’.
Et moi, je suis dans mon registre où j'ai l'habitude, depuis 50 ans, au journal Le Monde, qui m'a formé, de faire en sorte que mes dessins aient une sorte d'empathie a priori sur les gens qui connaissent ou ne connaissent pas mes dessins. Pour Charlie Hebdo, c'est autre chose. Ils sont entre eux, et ils se disent : ‘On va déconner sur des trucs qui nous plaisent’. Et moi, je trouve ça tout à fait respectable. Moi j'ai une autre proposition. Et je le pense toujours. C'est pour ça que j'ai créé Cartooning for Peace, l'association avec Kofi Annan. On y rassemble des chrétiens, des juifs et des musulmans en disant 'On se lâche, on se fait plaisir, on va jusqu'au bout'. Et à la fois, on pense au gars ou à la fille qui est à 10.000 km et qui peut penser qu'il y a une autre culture", a répondu Plantu.
"Mon dessin final doit être en accord avec l'émotion de départ"
Il y a beaucoup de dessins d’hommage aux personnalités décédées au cours de l’année écoulée. Cela prend-il beaucoup de temps à Plantu pour faire ces dessins-là ? "Oui, c'est les plus durs. On est vraiment dans l'hommage. Je me dis : 'J'aime cette personne, je la regrette et je veux y passer de l'amour'. Ce qui fait que je prends tout mon temps. Le gros avantage que j'ai dans mes dessins aujourd'hui, c'est que je prends les photos. Et puis je superpose des brouillons, des brouillons, des brouillons… jusqu'au moment où mon dessin final soit en accord avec l'émotion de départ. Et ça, ça prend du temps."
Plantu a-t-il songé au dessin qui serait publié le jour de sa disparition ? "J’ai même mieux que ça. Mais qu'est ce qui peut être dérangeant pour un dessinateur de presse, un caricaturiste ? Il ne doit être dérangé par rien. J'ai quatre enfants, et mes quatre enfants me disent : ‘Papa, n'imagine pas ce que tu as imaginé’. Et mon idée, c'est d'imaginer un cercueil dans lequel je serais, qui serait moucheté vert et noir. Vous savez, comme les cartons à dessins. Mais je veux qu'il y ait mes propres chaussures avec des faux pieds qui dépassent du cercueil et qu'on puisse dire : ‘Ah, ben, c'était un grand dessinateur, puisque ça dépasse du cercueil’. Et mes enfants m'ont dit : ‘Écoute, papa, c'est nul. Arrête avec ça, on ne le fera pas’. Voilà comme ça, c'est réglé. Il y a un dessinateur au Père Lachaise, sur sa tombe il y a marqué : ‘Je vous avais bien dit que j'étais malade’", a répondu Plantu.
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