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Raphaël Hitier : "En France, il y a un contexte particulier vis-à-vis des vaccins"

Par Jean Baptiste Giraud

Le réalisateur Raphaël Hitier était l’invité de Valérie Expert et Gilles Ganzmann sur Sud Radio le 6 octobre 2023 dans "Sud Radio Média".

Raphael Hitier
Raphaël Hitier, invité de Valérie Expert et Gilles Ganzmann dans "Sud Radio Média" sur Sud Radio.

Le prix Nobel 2023 de physiologie-médecine a été décerné à Katalin Karikó et à Drew Weissman pour leurs découvertes concernant les modifications des bases nucléosidiques qui ont permis de développer des vaccins ARN messager contre le Covid-19. Le samedi 7 octobre 2023 à 22h30, ARTE diffuse le documentaire de Raphaël Hitier "Les aventuriers de l'ARN messager".

 

Raphaël Hitier : "Le vaccin, c’est toujours compliqué parce que vous injectez quelque chose à quelqu’un qui va bien"

Selon Valérie Expert, l’ARN messager fait peur. Pourquoi ? "Parce que la crise du Covid a été un moment d’angoisse, la communication au cours de cette crise a été maladroite. Je pense que ça a créé un doute, une suspicion. Cette suspicion ne part de rien non plus. En France, il y a un contexte particulier vis-à-vis des vaccins, il y a une forme de suspicion qui a grandi dans les années 1990-2000 quand avait été établie une corrélation entre vaccin contre l’hépatite et la sclérose en plaques. Rétrospectivement, il n’avait jamais été démontré qu’il y avait un lien de cause à effet entre les deux. Mais le mal est fait. Et puis, le vaccin, c’est toujours compliqué parce que vous injectez quelque chose à quelqu’un qui va bien. Ce n’est pas la même chose qu’un médicament : quand vous êtes malade, vous avez une tolérance à l’incertitude plus importante", a répondu Raphaël Hitier.

 

"Il n’y a pas d’interaction physique entre l’ARN et l’ADN"

Qu’est-ce que l’ARN messager justement ? "L’ARN messager est une molécule qui permet à la cellule de fonctionner. Au cœur de la cellule il y a l’ADN, l’information génétique. Cette information sert à fabriquer des machines qui font tourner le corps humain. Mais il faut un intermédiaire, un messager qui transporte l’information du noyau jusqu’à l’endroit où sont fabriquées les machines. C’est ça, le rôle de l’ARN messager. Il porte l’information génétique qui est stockée sous forme d’ADN dans le noyau."

L’ARN est-il destiné à transformer notre ADN ? "Certainement pas. L’ARN n’entre pas dans le noyau, qui est une espèce de coffre-fort où est stockée l’information génétique. Il n’y a pas d’interaction physique entre l’ARN et l’ADN. Simplement, les messages qui sont envoyés par l’ARN vers la salle des machines, hop ! on les court-circuite et on impose la fabrication de machines particulières.

Le scientifique va fabriquer des morceaux de virus, qui vont être reconnus du système immunitaire, qui va se mettre à fabriquer des anticorps protecteurs. On envoie à la cellule une information qui va lui permettre de fabriquer des morceaux de virus (ce qu’elle ne fait pas d’habitude bien sûr), de manière à ce qu’elle fabrique des anticorps. Et quand les anticorps sont fabriqués, le jour où vous êtes infectés par le virus, notre système est déjà prêt pour réagir", a expliqué Raphaël Hitier.

"Quand on a une pandémie, le nombre de cas est immense, et il devient possible de tester telle ou telle chose"

Les vaccins ARN sont-ils une chose nouvelle ? "Le vaccin contre le Covid-19, ce n'est pas exactement le premier vaccin ARN. Il y avait déjà des études cliniques qui étaient déjà en cours sur un certain nombre de maladies chez Moderna et BioNTech pour évaluer l'efficacité de cette approche. Donc, on n’avait pas zéro retour, et ce n'était pas le premier vaccin avec l’ARN. En revanche, l'ampleur du phénomène Covid et de l'urgence qui était là a fait que tous les moyens ont convergé."

 


Est-il justifié de dire que c’était un test grandeur nature ? "Est-ce que sans le Covid on aurait pris plus de temps pour l'évaluer? Oui, mais le Covid a aussi été une opportunité d'avoir à disposition un nombre de malades invraisemblablement grand qui permet par les statistiques d'évaluer l'efficacité et la fiabilité du vaccin. Quand vous traitez une maladie qui est un peu rare, il est très compliqué d'évaluer des humains. La sécurité de la molécule ARN en termes sanitaires a déjà été testée. Vient le Covid, et on va fabriquer une ARN contre ce Covid. Donc, c'est la nouvelle ARN, mais les ARN ont déjà été testées. Ce qui devient possible de faire quand on a une crise, une pandémie, c'est que le nombre de cas est tel qu'on peut voir très vite s'il y a un problème et s'il y a une efficacité. Quand vous traitez une maladie qui est un peu plus rare, vous devez faire des cohortes invraisemblablement grandes, et ça prend énormément de temps avant d'avoir une réponse fiable. Là, la situation épidémique a permis d'avoir des éléments d'information qu'on n'a pas d'habitude dans le cours normal des choses", a répondu Raphaël Hitier.

 


Avant qu’on ne parle d’ARN, pendant plusieurs décennies on parlait beaucoup d’ADN mais pas d’ARN. Pourquoi ? "L’ADN est la solution qui a émergé le plus tôt pour envisager de faire des thérapies. L'idée était assez simple : si vous avez une modification génétique qui fait que vous avez une maladie, allons réparer cette information. Et puis comme ça, ça va bien se passer. Les choses se sont engagées sur cette voie-là pour un peu aspirer tout l'argent. Et il se trouve que par ailleurs que l’ARN a une instabilité intrinsèque importante. Et donc du coup, ça a un peu refroidi les industriels parce qu’il vaut mieux travailler avec une molécule stable qu'avec une molécule instable. Et donc du coup, pour intéresser les gens qui veulent mettre de l'argent dans ce qui pourrait être plus tard une application thérapeutique, c'est plus difficile de les motiver", a expliqué Raphaël Hitier.


Retrouvez “L'invité média” de Gilles Ganzmann chaque jour à partir de 10h00 dans “Sud Radio Média” avec Valérie Expert.

Cliquez ici pour retrouver l'intégralité de l’interview média en podcast.

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