Les médias feraient-ils mieux de quitter le réseau social X ?
Sébastien Grosmaitre : "Il y a un vrai souci de respect de la loi française sur X"
Pourquoi avoir quitté X ? "Il y a un an, X faisait à peu près 1% de notre audience. Donc effectivement, le côté bénéfice-risque n'était pas très élevé. Nous, on a une ligne humaniste, qui tend à essayer d'avoir un débat apaisé. On doit être en capacité d’entendre les différents points de vue, mais pas jusqu'au point d'avoir à se faire insulter et menacer. On a des collègues qui régulièrement étaient menacés, on a fini par attaquer en justice. Et là, il y a un vrai souci de respect de la loi française sur X. Aujourd'hui, on ne peut pas attaquer des personnes qui vous insultent et vous menacent tout simplement parce qu'il n'y a pas de possibilité de levée de l'anonymat. Et ça, ça c'est un problème en France. De même que, quand on veut attaquer X, il y a un problème : X est un hébergeur. Contrairement aux médias que nous sommes, nous sommes responsables de ce que nous publions et nous devons le faire sans diffamation, sans injures. X, lui, n'est pas soumis à cette réglementation-là. Et nous interrogeons cela", a déclaré Sébastien Grosmaitre, rédacteur en chef de Ouest-France.
Cela ne vaut-il pas le coup de rester sur X, ne serait-ce que pour tenter de porter l’information aux personnes retranchées dans le complotisme ? "C'est ce qui a fait l'objet du débat, en se disant : ‘si nous ne sommes plus dans les espaces pour venir amener la contradiction ou à venir amener une information vérifiée, quelque part, c'est laisser le champ libre au complotisme’. La seule difficulté là, c'est que les dés sont pipés. C'est que l'arbitre de ce ring entre les complotistes d'un côté et les personnes qui essaient de faire en sorte d'avoir des informations vérifiées ou contradictoires… l’arbitre de ce ring-là, il est du côté des complotistes. Il les met en avant et leur permet d’avoir une exposition plus importante. C’est un combat pour lequel l’arbitre est même l’entraîneur de votre adversaire. Cet espace est complètement pollué", a expliqué Sébastien Grosmaitre.
"Sur Bluesky on a beaucoup plus d'interactions avec moins de posts que ce qu'on avait sur X"
Ouest-France a-t-il complètement quitté X ? "X reste un réseau d'information, on conserve une veille. Parce que quand vous avez des institutions ou de grands élus, ou quand le président de la République donne une information sur X, forcément on doit être là, en tant que journalistes, pour venir la collecter. De même que s'il y a une information extrêmement importante sur Fox News, par exemple, on doit être là, sans partager forcément la philosophie de ces médias. Donc, notre rôle à nous, c'est d'être présents en termes de veille sur l'ensemble des médias pour pouvoir informer nos lecteurs. On a fait le choix de privilégier Bluesky, mais on est aussi sur d'autres réseaux sociaux désormais", a raconté Sébastien Grosmaitre.
Sébastien Grosmaitre constate d’ailleurs une bascule massive de son audience sur Blusky. "Ce que l'on constate quand même, c'est qu’il y a davantage de modération sur Bluesky. On ne perçoit plus ces raids agressifs, et il y a possibilité de supprimer des commentaires, ces fameux commentaires qui sont faits par des fermes à trolls et qui viennent s'imposer en première place de votre information, comme si c'était la seule et unique réaction majoritaire qui était faite. La possibilité est là de pouvoir les bloquer. Et ça, ça évite tous les biais d'influence qu'il peut y avoir sur X. En revanche, on a beaucoup plus d'interaction avec moins de posts que ce qu'on avait sur X précédemment. Ça veut bien dire que quelque part, l'algorithme masquait complètement nos posts que l'on pouvait faire sur certaines informations. L’engagement, c'est ce qui nous intéresse en tant que média, c'est l'interaction qu'on a avec nos lecteurs, notre communauté. Ce n'est pas forcément l'audience", a expliqué Sébastien Grosmaitre.
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