Thomas Huchon est auteur du livre Anti fake news - Le livre indispensable pour démêler le vrai du faux (Éditions First).
Thomas Huchon : "On n'a pas réglé le problème du désordre informationnel dans lequel nous sommes aujourd'hui"
L’intelligence artificielle est-elle un danger lorsqu’il s’agit de fake news ? "Je crois que l'intelligence artificielle, c'est avant tout un outil. Et comme tous les outils, il pourra être un danger, ou il pourra être un atout. Et je crois qu'il va nous falloir apprendre ce que c'est, comprendre comment ça fonctionne, être capable de l'utiliser. Et qu'il va falloir être aussi capable de limiter les potentiels abus qui pourrait être menés avec ce nouvel outil. Aujourd'hui, qu'est-ce qui se passe ? On a une situation dans laquelle l'intelligence artificielle génératrice de contenu, donc en gros la capacité de créer une vidéo avec quelqu'un qui parle… mais en fait, il n'a jamais dit ce que vous allez le voir dire. Et pourtant, il aura l'air plus vrai que nature. C'est très déconcertant. Ça ressemble à une forme de dystopie, un film d'anticipation. Mais c'est pourtant une réalité aujourd'hui. Le problème, à mon sens, ce n'est pas tant le fait qu'on puisse fabriquer n'importe quoi et faire dire n'importe quoi à n'importe qui. Le problème, c'est qu'on peut le diffuser.
Je ne vais pas me mettre à interdire les papiers et les crayons sous prétexte qu'on peut écrire une menace de mort avec un papier et un crayon. On essaie de mettre en place des réglementations qui font que si une lettre est écrite de cette manière-là, il y a une sanction. Et donc, on empêche de ce fait la prolifération des menaces de mort par courrier. Et bien là, on a un truc qui arrive dans une situation qui est totalement dérégulée. Pour moi, le problème, ce n'est pas l'intelligence artificielle génératrice de contenu, c'est le fait que on n'a pas réglé le problème du désordre informationnel dans lequel nous sommes aujourd'hui", a répondu Thomas Huchon.
"Il faut essayer de refaire conversation"
Avant c'était des journalistes qui debunkaient une information. Et à ce moment-là, il avait la parole. Avant on allait voir un médecin, il vous disait "vous me prenez trois aspirines et puis ce médicament". Et maintenant vous allez sur Doctissimo, qui vous dit : "ah, ce médicament est très dangereux". Le médecin, qui est censé avoir fait plein d'études et être scientifique, maintenant, même lui, on ne croit plus la parole. Et il est arrivé la même chose aux journalistes… "Le Baromètre de l'esprit critique, qui a été publié par Universcience, montre ce que vous dites. Il y a une partie de la population qui est dans une forme de défiance quasiment généralisée. Les médecins, les journalistes, la science, les politiques, les institutions… tout ça, c'est des menteurs. Mais en réalité, ils ne représentent pas une part majoritaire de notre pays. Ils sont entre 15, 20, 25% en fonction des cas, c'est énorme. C'est plus que le président de la République dans les instituts de sondage.
Mais ça dit, à mon avis, quelque chose d'autre : finalement, dans cette situation, l'immense majorité de nos compatriotes ne le dit pas, mais fait confiance à son médecin. Et je crois qu'on a raison de s'inquiéter de cette partie-là et qu'il faut essayer de refaire conversation. Parce que c'est ça, le problème : pour arriver à convaincre, il faut se parler", a réagi Thomas Huchon.
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