Pour Lyudmyla Tautiyeva, franco-ukrainienne, consultante en politique publique, Vladimir Poutine cherche à refaire l'histoire, tandis que Donald Trump se préoccupe surtout des intérêts commerciaux américains en Russie.
"Le 23 mars 2025, les Ukrainiens et les Américains discuteront des modalités de ce cessez-le-feu"
Donald Trump n'a obtenu aucune concession de Vladimir Poutine à l'issue de ce coup de fil. "Le cessez-le-feu de 30 jours qui avait été négocié avec le côté ukrainien, c'était le cessez-le-feu dans la mer, dans l'air et sur terre. Poutine, lui, a proposé sa version : pas de frappes sur les infrastructures critiques ou les infrastructures énergétiques. C'était la première proposition avancée par le côté ukrainien à Djeddah avec la délégation américaine en guise de première étape. Puis on passe à une deuxième étape, qui sera le cessez-le-feu de 30 jours sur tous les trois plans. Ce que la Russie en fait, c'est de refaire l'histoire en disant : 'Non, non, non, on revient à la condition préalable'", a fait savoir Lyudmyla Tautiyeva.
Les deux présidents ont-ils parlé des livraisons d'armes occidentales à l'Ukraine ? Et que pensent les dirigrants ukrainiens des perspectives de cessez-le-feu ? "La livraison d'armes à l'Ukraine n'était pas sur la table de discussion entre Trump et Poutine. Pourtant, c'était beaucoup beaucoup relaté par des médias de propagande du côté américain ou du côté russe. La question d'échange de prisonniers a également été évoquée : 175 personnes contre 175. Mais ce qu'on ne connaît pas, c'est les modalités exactes de ce qui va se passer. D'où l'importance de la réunion du 23 mars 2025 à Djeddah, où les délégations ukrainiennes et américaines vont se retrouver pour parler des modalités de ce cessez-le-feu qui étaient rediscutées avec les Russes", a répondu Lyudmyla Tautiyeva.
"Ce qui est plus important encore pour Trump, c'est la normalisation des relations avec la Russie"
Mais pour Lyudmyla Tautiyeva, Donald Trump regarde beaucoup plus loin que la guerre russo-ukrainienne, qui pourrait être pour lui une sorte de conflit local. Sa véritable préoccupation pourrait être les opportunités pour les entreprises américaines en Russie. "L'Ukraine n'était pas le seul point sur la liste de discussion. J'imagine qu'ils ont discuté de choses plus importantes pour Trump, comme la normalisation des relations avec la Russie, la normalisation du statut de la Russie sur la scène internationale, mais surtout le business. Trump veut quand même revoir les entreprises américaines s'engager en Russie. Trump souhaite découpler la Russie de la Chine et voir comment il pourrait, en l'attirant sur le terrain d'une nouvelle normalisation économique, faire en sorte que la Russie soit plutôt son allié que son ennemi."
Le pays auquel Donald Trump s'intéresserait vraiment serait la Chine, notamment en ce qui concerne ses relations avec Taïwan, et la guerre russo-ukrainienne pourrait n'être pour lui qu'un terrain d'essai, estime Lyudmyla Tautiyeva. "Trump se précipite de terminer un peu ses affaires en Europe et passer vraiment à la Chine, parce que c'est le pivot des Etats-Unis, cela avait été lancé depuis longtemps. L'Ukraine, c'est important parce que ce qui va se passer en Ukraine, ça va donner un signal très important à la Chine : 'est-ce qu'on peut prendre un morceau de notre territoire, de notre pays souverain, et après s'en sortir sans aucun problème ?'. Et c'est ça qui est la grande question : 'Face à Poutine, Trump saura-t-il imposer au niveau international la justice pour les crimes de guerre qui ont été commis, [la Russie] sera-t-elle punie ?'. Et malheureusement, le signal est très fort pour les grands de ce monde, comme par exemple la Chine."
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