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Cyrille Bret : "Le contrôle de la société civile par l’État se renforce en Russie"

Cyrille Bret, agrégé de philosophie, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et spécialiste de la Russie, était l’invité de Benjamin Glaise le 30 décembre 2021 sur Sud Radio dans "Bercoff dans tous ses états".

Cyrille Bret
Cyrille Bret, invité de Benjamin Glaise sur Sud Radio.

Comment interpréter la dissolution de Memorial, la plus ancienne ONG russe dans le domaine des droits de l'homme ? Et les velléités de Vladimir Poutine de faire la guerre à l'Ukraine, doivent-elles se lire dans l'optique de sa nostalgie vis-à-vis de l'URSS ? Autant de questions auxquelles s'est efforcé de répondre Cyrille Bret.

 

Cyrille Bret : "Quand on a peur d’une association, c’est qu’on se sent menacé"

L’ONG Memorial, la plus ancienne ONG russe dans le domaine des droits de l’homme, qui s’occupait de collecter un maximum d’informations sur les victimes des répressions soviétiques, a été dissoute par la Cour suprême russe. "On est sur un recul de la liberté d’expression et sur une avancée du contrôle de la société civile par l’État. On est en revanche loin de l’URSS, où un seul parti absorbait toutes les élites et administrations. Ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui, le président russe et l’État russe se méfient de plus en plus de la société civile, de sa diversité et la voient comme étant dissidente. Est-ce un aveu d’impuissance ou un aveu de faiblesse ? Je dirais que quand on a peur d’une association, c’est qu’on se sent menacé", a réagi Cyrille Bret.

Cette dissolution s’inscrit dans un contexte plus large de "névrose collective", selon les termes de Cyrille Bret. "C’est la névrose collective qui joue depuis la fin de l’URSS. En Russie, tout le monde a peur d’un retour aux années 1990, de l’humiliation internationale mais aussi du risque d’implosion au sein même de la Fédération de Russie. Le spectre de désintégration de la 'verticale du pouvoir' est considéré par Vladimir Poutine mais aussi par beaucoup de citoyens russes, comme le mal absolu, elle doit donc être préservée coûte que coûte. D’où les interdictions de manifestations, d’associations et de toute voix qui pourrait être discordante dans cet ensemble."

"Pour les Russes, la grandeur de l’URSS réside dans le fait d’avoir vaincu le nazisme"

Pourquoi beaucoup de Russes ont-ils une nostalgie de l’URSS ? "C’était le maximum d’expansion du nationalisme russe dans toutes les directions : sur le continent africain, sur le continent sud-américain... C’était une époque où la Russie avait un modèle complet à proposer au monde, ce modèle se posait à égalité avec celui des États-Unis. Pour les Russes, la grandeur de l’URSS réside dans le fait d’avoir vaincu le nazisme. Cette victoire sur le fascisme, comme c’est présenté, fait de l’URSS un régime triomphant et non un régime de défaite."

Pourquoi la Russie a-t-elle aussi peur que l’Ukraine sorte de sa zone d’influence ? "La Russie se considère comme assiégée, comme entourée. L’OTAN s’est étendu dans les anciennes républiques socialistes soviétiques. Il faut prendre conscience de ce traumatisme. Cela fait deux siècles que ces pays étaient dans l’espace russe, puis soviétique. Aujourd’hui, ce sont des membres de l’Union européenne et des membres de l’OTAN. La peur de la Russie, c’est que l’Ukraine suive les États Baltes vers l’Union européenne, vers l’OTAN, que la Russie considère comme la zone d’influence des États-Unis."

 

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