Pour Éric Denécé, "plus il y a de transparence dans nos gouvernements, dans nos modes de gouvernances, plus les exécutifs, dans un certain nombre d’États, trouvent des moyens de dissimuler au contrôle parlementaire et puis bien sur aux yeux des adversaires, que ce soit des adversaires terroristes ou des adversaires étatiques, des actions pour pouvoir continuer à faire des actions clandestines de renseignement". "Il y a deux raisons à ça", explique l’auteur de La Nouvelle Guerre Secrète, Unités militaires clandestines et opérations spéciales, "C’est vrai que c’est de plus en plus difficile d’infiltrer des milieux terroristes et criminels donc il faut être de plus en plus secret". "Et, en même temps, le contrôle est tellement étroit de la part du congrès, du parlement ou de la chambre des communes qu'ils trouvent des moyens d’aller planquer cela derrière des programmes divers et variés", ajoute-t-il.
"C’est efficace", juge Éric Denécé, "mais, on a en face de nous des terroristes, des criminels ou des États adverses qui font du renseignement, sur les territoires des États". "C’est le cas en France ou on voit qu’un certain nombre de noms de policiers sont révélés", explique-t-il au micro de Sud Radio. "En Israël, aux États-Unis comme en Grande-Bretagne, ils commencent tout simplement déjà par dissimuler leurs unités au sein du ministère de la défense, au sein même des autres unités militaires", raconte le directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement, "pour que les terroristes ne puissent pas venir se venger et éliminer ceux qui opèrent contre eux jusque chez eux".
"En Israël et aux États-Unis, ces unités sont nées en particulier parce qu’ils n’ont pas de gendarmerie"
"Au-delà de ça, il y a un autre phénomène", continue l’auteur de La Nouvelle Guerre Secrète, Unités militaires clandestines et opérations spéciales, "c’est que quand on lutte aujourd’hui contre le terrorisme et c’est le cas depuis les années 70, il faut aller à l’intérieur des mouvements terroristes". Pour Éric Denécé, "on ne peut plus se contenter de l’action de la police, on ne peut plus se contenter de l'action des militaires classiques. Il faut des gens qui aillent faire le sale boulot et qui infiltrent ces mouvements". Ces unités vont apprendre la langue, "se laisser pousser les cheveux longs, se laisser pousser la barbe, se mettre en civil, etc.".
Selon Éric Denécé, "Notamment en Israël et aux États-Unis, ces unités sont nées en particulier parce qu’ils n’ont pas de gendarmerie". "Il y avait un vide entre le travail de la police et des armées, que nous n’avons pas en France parce qu’on a cette force paramilitaire qui est autorisée à intervenir en civil dans certains cas", explique-t-il. "Les Anglais et Israéliens ont donc développé cela". "C’est efficace", ajoute-t-il, "c’est extrêmement caché, parfois ça génère un certain nombre de dérives il faut le dire", juge-t-il. "Chez les britanniques, très clairement, dans les années 80-90, ces unités là et les forces spéciales qui les accompagnaient se sont parfois transformées en escadrons de la mort", estime le directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement. "Il y avait quelques exécutions parfois excessives", explique-t-il. "Les britanniques l’ont fait en Irlande du nord et Israël l’a fait à Gaza et en Cisjordanie. Il n’y a que les Américains, parmi ceux qui ont créé ces unités-là, qui ne les emploient pas sur leur territoire national. Alors eux, ce sont vraiment des exécutions extrajudiciaires, j’ai envie de dire à tour de bras, que ce soit par des drones ou par les opérateurs de terrain", explique le politologue au micro de Sud Radio.
"Pendant la guerre froide (...), on cherchait à infiltrer la technostructure adverse"
"Pasqua disait : il faut terroriser les terroristes", explique Éric Denécé. Pour lui, ce sont "les britanniques qui sont à l’origine du concept et qui ont inventé le concept de contre-gang". "C’est-à-dire que pour lutter contre des gangs terroristes ou criminels, c’est à nous de recruter d’autres terroristes ou criminels encadrés par des militaires pour faire la même chose", explique-t-il. "Donc effectivement, la nature ayant horreur du vide, on a vu ces unités se développer", estime-t-il.
Pour Éric Denécé, "il y a une seconde raison pour laquelle ces unités sont apparues". "Pendant la guerre froide, le travail d’un officier de renseignement était dans une ambassade, en costume cravate", explique-t-il. "On cherchait à infiltrer la technostructure adverse, c’est-à-dire le comité central du parti communiste, l’état major tchèque ou soviétique", ajoute-t-il. "Depuis le début de la guerre anti-terroriste, on s’aperçoit que ces hommes-là, quelles que soient leurs qualités, ne sont pas faits pour opérer en solo au fin fond de Karachi, de Kaboul ou de Jalalabad", explique le politologue au micro de Sud Radio. Pour Éric Denécé, "il faut maîtriser le combat, il faut être capable de se débrouiller tout seul, savoir tirer, etc.". "Donc nous sommes allés chercher des gens dans les forces spéciales que l’on a formé au renseignement parce que c’est un nouveau type de renseignement et qu’il faut combler le vide", explique l’auteur de La Nouvelle Guerre Secrète, Unités militaires clandestines et opérations spéciales.
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