L’Observatoire syrien des droits de l’Homme "est le bras médiatique des Frères musulmans"
Interrogé sur l’attaque chimique présumée à Khan Cheikhoun qui a fait 86 morts, Ayman Soussan, le vice-ministre des affaires étrangères, a réfuté la responsabilité du régime syrien. Il a mis en cause les sources à l'origine de cette information, notamment l’OSDH, accusée d’être "le bras médiatique des Frères musulmans".
C'EST COMPLIQUÉ. Ce n’est pas la première fois que le régime syrien accuse l’OSDH d’être sous l’influence des Frères musulmans. Pourtant, l’organisation dirigée par Rami Abdel-Rahmann, un pseudonyme, est loin d’être proche de l’association des Frères musulmans, explique Ignace Leverrier, ancien diplomate, sur son blog hébergé par Le Monde : "Pour discréditer les comptes rendus des événements en Syrie que l’Observatoire diffusait, ils ont accusé son directeur d’être membre de l’Association des Frères Musulmans et de bénéficier de financements des services de renseignements britanniques". Selon cet expert, le directeur de l’OSDH est "originaire de Banias et membre de la communauté alaouite, ce qui rendait impossible une appartenance aux Frères Musulmans".
Mais d'autres, comme Frédéric Balanche, contestent cette analyse et voient dans l'OSDH un instrument de propagande pro-Frères Musulmans, notamment à travers son financement présumé par le Qatar.
Reste la question de la fiabilité des informations de l’OSDH. Si plusieurs organes de presses reprennent régulièrement le décompte des morts fait par cette organisation, plusieurs experts ont pointé du doigt les méthodes de l'organisme dirigé par le seul Rami Abdel-Rahmann. L’OSDH est un des seuls à communiquer le nombre de morts en Syrie, tant du côté des rebelles que du régime, tout en cachant l’identité des victimes ou en sous-évaluant leur nombre. Des méthodes qui font dire à Ignace Leverrier que "‘l’organisation’ de Rami Abdel-Rahman travaille consciemment au profit du régime de Bachar al-Assad".
La France a condamné les frappes américaines sur la base aérienne d'Al-Chaayrate
Ayman Soussan affirme que la France a "condamné indirectement" les attaques américaines en disant au lendemain de l'attaque que "toute opération pareille doit passer par le Conseil de sécurité" de l’ONU.
FAUX. Au lendemain des frappes américaines sur la base aérienne d’Al-Chaayrate, Jean-Marc Ayrault s’est exprimé en marge d’un déplacement en Mauritanie. "Les Américains ont donné un début de clarification. Ces dernier jours nous avons entendu tout et son contraire. Là il y a un acte qui est une sorte de condamnation", a affirmé le ministre des Affaires étrangères français, "Auparavant, l'impression que nous avions était que les Américains avaient une priorité qui était la lutte contre Daech - et nous avons aussi cette priorité - mais en oubliant la nécessaire transition politique en Syrie". Jean-Marc Ayrault appelle donc dans sa déclaration à travailler sur cette transition lors des négociations de Genève, en intimant à la Russie et l’Iran d’abandonner leur soutien à la Syrie. "Il faut que les Russes et les Iraniens comprennent que soutenir, comme ils le font, à bout de bras et jusqu'à l'ignominie le régime de Bachar al-Assad, cela n'a pas de sens", a déclaré le ministre français.
Pas de traces de condamnation non plus dans les propos de François Hollande. "Je considère que cette opération (le bombardement de la base aérienne) était une réponse. Elle doit maintenant être poursuivie au niveau international dans le cadre des Nations unies, si cela est possible, de façon à ce que nous puissions aller jusqu'au bout des sanctions contre Bachar al-Assad et empêcher qu'il y ait de nouveau utilisation des armes chimiques et écrasement par ce régime de son propre peuple", a affirmé le président de la République. Un peu plus tard, dans une déclaration commune avec Angela Merkel, la chancelière allemande, les deux chefs d’État ont appelé "la communauté internationale à se rassembler en faveur d'une transition politique en Syrie, conformément à la résolution 2254 du conseil de sécurité et au communiqué de Genève".
Les syriens qui ont fui le pays sont partis pour des raisons économiques ou politiques
Interrogé sur le départ de cinq millions de Syriens depuis le début du conflit, le ministre a déploré une grande perte pour le pays. "Ils sont partis pour de multiples raisons, économiques peut-être, politiques...", a tenté d’expliquer le responsable syrien.
FAUX. La déclaration du ministre est au mieux très maladroite, plus vraisemblablement totalement fausse. Le conflit syrien a entraîné la fuite de cinq millions de ressortissants, principalement dans les pays voisins dont la Turquie. Avancer le seul argument économique ou politique semble très loin de la réalité du pays actuellement.
S’il est très difficile de connaître le nombre exact de mort dans cette guerre, fin 2016, les rapports des diverses organisations syriennes évoquaient au moins 300 000 morts depuis 2011. Un bilan qui approche même les 500 000 morts selon d’autres organismes. Les cinq millions de Syriens qui ont traversé les frontières fuient donc une guerre meurtrière, et non une situation économique compliquée. La situation dans le pays est tellement catastrophique que l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) donnait automatiquement en 2013 le statut de réfugiés pour toute personne fuyant la Syrie, alors qu’il s’agit d’une procédure individuelle habituellement.
La Syrie vit une crise, "décrite comme la pire catastrophe humanitaire de notre époque", écrit sur son site l’ONU. De nombreux hôpitaux ont été détruits, tout comme les écoles, et bon nombre d’infrastructures. 13,5 millions de personnes nécessitent une assistance humanitaire à l’intérieur de la Syrie, selon la Commission européenne, le 11 septembre 2016.