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Moscovici : "Trump doit comprendre qu'il a face à lui des partenaires déterminés"

Par Benjamin Jeanjean

Ancien député et ministre aujourd’hui commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, Pierre Moscovici était l’invité politique du Grand Matin Sud Radio ce vendredi.

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Le ton monte entre les États-Unis d’un côté, et l’Europe et le Canada de l’autre. Alors que les présidents français et canadien Emmanuel Macron et Justin Trudeau se sont rencontrés avant le début du G7 à La Malbaie (Canada), la guerre commerciale déclenchée par la décision du président américain Donald Trump d’augmenter drastiquement les taxes à l’importation de certains produits étrangers sera sur toutes les lèvres. Commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, Pierre Moscovici était l’invité politique du Grand Matin Sud Radio ce vendredi. Il appelle à une réponse ferme de l’Europe.

"On est dans un conflit commercial et on doit y répondre par le droit"

"Les États-Unis ont adopté une position unilatérale, agressive, hostile et, selon moi, illégale. Il est donc tout à fait légitime que leurs partenaires, les Européens et le Canada, répliquent avec force et fermeté. Il faut utiliser les bons mots : "guerre commerciale" n’est pas adapté. Nous sommes dans un conflit commercial, et nous devons y répondre par le droit. Il ne faut pas jeter le bébé du multilatéralisme avec l’eau du bain, mais il faut des répliques. Emmanuel Macron a dit que sur ce terrain-là, le G7 pouvait se transformer en G6+1. Nous verrons comment se déroule la réunion, mais il faut absolument que les États-Unis et Donald Trump comprennent qu’ils ont face à eux des partenaires choqués, motivés et déterminés. Nous avons lancé une procédure de règlement des différends devant l’OMC, ça prend à peu près un mois. Après ça, nous mettrons en place des mesures équivalentes de taxation d’importations venues des États-Unis. Il faut que nous montrons que nous n’acceptons pas cette escalade", martèle-t-il.

Selon lui, "c’est la planète entière qui a à perdre" dans cette histoire. "La croissance européenne va bien. Nous sommes sortis de la crise économique, même si la crise politique est, elle, encore bien présente. La première menace contre la croissance, c’est le protectionnisme. Quand les grandes nations ont des relations commerciales heurtées, commence une période d’incertitude où tout le monde a à perdre. Les guerres commerciales ne sont pas faciles à gagner et sont toujours perdantes pour tout le monde", insiste-t-il.

"Alexis Kohler était un haut fonctionnaire d’une intégrité parfaite"

S’il rappelle que "les États-Unis sont nos partenaires, nos alliés et nos amis", l’ancien ministre des Affaires européennes (1997-2002) émet le vœu de voir l’Europe se montrer à la hauteur de l’enjeu dans un contexte international tendu. "Quand on a des partenaires comme Donald Trump, Xi Jinping, Vladimir Poutine, l’Europe n’a pas le droit d’agir de manière dispersée. Nous avons un devoir d’unité et dans ce monde dangereux et troublé, on a plus que jamais besoin de l’Europe", veut-il croire.

Celui qui fut ministre de l’Économie et des Finances de François Hollande (2012-2014) s’est également exprimé sur l’affaire Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Élysée avec qui il a travaillé à l’époque et soupçonné aujourd’hui de conflit d’intérêts dans la gestion du dossier des chantiers navals de Saint-Nazaire. "J’ai passé un temps extraordinairement long sur ce dossier nécessaire pour l’industrie française. Un constructeur, STX, manquait de commandes. Il fallait donner un débouché économique et créer des millions d’heures de travail, et ce croisiériste (MSC) était un client potentiel. La seule chose que je peux dire, c’est qu’Alexis Kohler était un haut fonctionnaire d’une qualité exceptionnelle et d’une intégrité parfaite. Sur ce dossier, dans la période où il a travaillé avec moi, il a adopté le comportement approprié et j’ai été informé de tout ce dont je devais l’être", indique-t-il.

"En 2019, le paysage politique européen sera profondément modifié"

Alors que le populisme et le sentiment anti-européen monte dans plusieurs États-membres de l’Union européenne, Pierre Moscovici reconnaît que "la crise a fait des dégâts considérables en laissant de côté pendant une dizaine d’années des hommes et des femmes qui ont eu le sentiment que l’Europe n’était pas une réponse mais une partie du problème en tant que cheval de Troie de la mondialisation". L’ancien député européen (1994-1997 puis 2004-2007) a également réagi à l’actualité italienne et l’arrivée au pouvoir d’une coalition populiste. "En Italie, il y a des défis : le défi du Sud, de la jeunesse, d’un pays qui a besoin d’améliorer sa productivité et sa compétitivité sans quoi il continuera d’être le pays qui croît le moins vite alors même que c’est la troisième économie de la zone euro. Il y a en plus la question migratoire, dans laquelle je considère que les Européens ont trop laissé les Italiens en première ligne, dans une crise qui a été d’une dureté terrible. Pour autant, la réponse n’est pas de fermer les frontières", indique-t-il.

Enfin, Pierre Moscovici n’a pas écarté l’idée de se présenter aux prochaines élections européennes de 2019, tout en voulant prendre son temps. "Il y aura l’année prochaine un paysage profondément modifié, d’abord par la montée des populistes. Il n’y a aucune raison qu’elle ne se manifeste pas aux élections européennes. Ça rendra les institutions plus difficilement gouvernables. Il y aura toujours des progressistes et des pro-européens, de gauche comme de droite. En ce qui me concerne, ça n’a aucun sens de répondre aujourd’hui à cette question, si vous me réinvitez en septembre, je vous dirai comment j’ai réfléchi à tout ça. Aujourd’hui, je suis surtout candidat à résoudre les problèmes : la Grèce, l’Espagne, l’Italie, la fiscalité numérique, ça suffit à mon bonheur", conclut-il.

Réécoutez en podcast toute l’interview de Pierre Moscovici dans le Grand Matin Sud Radio

 

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