Et le spectre du terrorisme islamiste plane de nouveau sur New York, 16 ans après les attentats du 11 novembre 2001 au World Trade Center. La nuit dernière, un homme d’origine ouzbek a foncé à l’aide d’un véhicule sur des passants à Manhattan, causant la mort d’au moins huit personnes. Journaliste et écrivain, auteur de l’ouvrage Une seule voie : l’insoumission, Mohamed Sifaoui était l’invité du Grand Matin Sud Radio pour réagir à cet attentat dont les motivations ne font aucun doute selon lui.
"Premièrement, les témoignages recueillis ont effectivement révélé que l’assaillant a crié "Allah Akbar". C’est incontestablement une signature dans les milieux jihadistes. Le côté mythique et mystique est immédiatement mis en avant pour préciser qu’il ne s’agit pas d’un "simple" acte criminel de délinquance ordinaire, et encore moins l’acte d’un déséquilibré même si, parfois, des déséquilibrés peuvent être attirés par mimétisme par ce type d’attentats. Deuxièmement, les médias américains ont révélé l’identité du terroriste, ce jeune homme d’origine ouzbek entré sur le sol américain en 2010. Et on sait l’impact de l’idéologie jihadiste sur un certain nombre de populations ouzbeks et de Caucasiens depuis plusieurs années", rappelle-t-il.
"Le jihadisme aujourd’hui est une plate-forme participative"
Même si l’État Islamique n’a pas officiellement revendiqué l’attaque, l’ombre de l’organisation terroriste plane bel et bien sur cet acte, selon Mohamed Sifaoui. "L’attaque n’a pas encore été revendiquée, mais on a aujourd’hui le recul pour dire qu’il y a deux types d’attentats : ceux qui sont pilotés directement par Daesh et ceux qui sont inspirés par Daesh. Et ces derniers ne sont pas forcément des attentats où l’on voit un chef militaire de Daesh désigner un soldat pour lui demander de passer à l’action. Le jihadisme aujourd’hui, c’est une plate-forme participative. La matrice idéologique est largement disponible, et la légitimation idéologique du meurtre est donnée par des idéologues référents. Tout un chacun se reconnaissant dans cette idéologie peut donc aujourd’hui prendre l’initiative et passer à l’acte, ce qui fait tout le côté pervers, pernicieux et dangereux de la situation", explique-t-il.
Pour le journaliste, la thèse du loup solitaire est clairement à proscrire, dans ce cas comme dans beaucoup d’autres. "Cela fait une trentaine d’années que je travaille sur le terrorisme islamiste. Il n’y a jamais de loup solitaire. Le loup solitaire, c’est la personne qui va appuyer sur la gâchette à un moment donné. Mais quand on prend un peu de recul et qu’on s’intéresse à son environnement direct ou lointain, on s’aperçoit qu’il y a une influence de proximité qui va à tout le moins l’inciter à passer à l’acte, et ensuite tous les idéologues du jihad qui ont travaillé au corps la société et notamment la jeunesse ces dernières années. Parler de loup solitaire est donc une absurdité pour le terrorisme islamiste. Ce dernier a vocation à se pratiquer pour le compte d’une force supérieure divine. On ne ne peut pas imaginer que la décision soit prise à 100% par celui qui passerait à l’acte", clame-t-il.
"Ces terroristes ciblent tout ce qu’ils détestent"
Enfin, Mohamed Sifaoui souligne les circonstances de cette attaque, qui ne sont sans doute pas le fruit du hasard. "Il y a le lieu, à quelques encablures de Ground Zéro, et la date, Halloween. C’est une date importante aux États-Unis : il y a une parade, des enfants qui font la fête, etc. Les terroristes islamistes ont toujours cette vocation à vouloir gâcher ces moments dans les sociétés modernes. En vérité, ils ciblent tout ce qu’ils détestent : ils détestent la fête, ils détestent la joie, ils détestent la vie...", dit-il.
Réécoutez en podcast l’interview de Mohamed Sifaoui dans le Grand Matin Sud Radio