Le politiquement correct soit remis en question soit radicalisé
Le politiquement correct est-il en train de se fendiller ? Pour Mathieu Bock-Côté, auteur de L'empire du politiquement correct (Éditions du Cerf) : "Je crois que l'on doit avoir une vision double de la chose. D'un côté, il est remis en question, il y a une forme d'insurrection contre le politiquement correct. La révolte contre le politiquement correct alimente aujourd'hui la vie politique. Mais au même moment, le politiquement correct tend à se radicaliser. Inquiets de la perte de maîtrise des codes de la respectabilité politique, inquiets de voir surgir des forces qui remettent en question ce que j'appelle le régime diversitaire, le multiculturalisme obligatoire, l'éparpillement des diversités sur le mode victimaire, le politiquement correct tend à se radicaliser".
Pour preuve selon lui, "il multiplie les phobies à dénoncer. Toute forme de désaccord avec le politiquement correct aujourd'hui n'est pas pensé comme un désaccord intellectuellement possible. C'est ce que j'appelle la psychiatrisation du désaccord. Dans la même logique, on peut croire que la chasse aux dérapages est plus intense aujourd'hui que jamais ; la volonté d'expulser du débat public les contradicteurs de l'idéologie officielle. Et un troisième point qui me semble peut-être le plus important, il s'institutionnalise politiquement, c'est-à-dire qu'il se judiciarise". Pour illustrer son propos, il cite comme exemple le Pacte de Marrakech : "Tout le monde en a parlé mais apparemment ne devait en dire qu'une chose, c'est qu'il n'était pas contraignant. Quiconque disait autre chose, passait pour fou ou pour fake news. Or, quand on lisait le Pacte de Marrakech, il y avait une proposition forte qui était de cesser le financement public des médias qui feraient la promotion du racisme et de la discrimination ou de l'intolérance. Or, quand on regarde la définition du racisme ou de la xénophobie qui nous était proposée, dans les faits toute remise en question du multiculturalisme ou de l'immigration massive passait pour de l'intolérance. C'était donc multiculturalisme ou barbarie (...)"
"Associer à du racisme ce qui n'en relève pas est aussi odieux"
Le sociologue québécois poursuit sur le concept de l'extension du racisme : "Autant le racisme est odieux et tous en conviendront, autant associer au racisme ce qui n'en relève pas est aussi odieux". André Bercoff l'invite alors à donner un exemple. "On a en ce moment chez nous le projet de loi 21, en gros une laïcité minimaliste à la québécoise : interdire les signes religieux ostentatoires chez les employés de l'État en situation d'autorité (policiers, enseignants, juges, gardiens de prison...). Conséquences : accusations de nettoyage ethnique, accusations de racisme, accusations de xénophobie, accusations de discrimination à grande échelle. Regardez le traitement réservé à la laïcité à la française dans les médias anglo-saxons ! C'est intéressant. La laïcité est présentée, quoiqu'on en pense, comme une forme d'autoritarisme anti-minoritaire. Autre exemple, le racisme d'État : ce concept s'étend de manière folle !"
Il considère qu'il existe une sorte d'orwellisation de la parole publique. Enfin, il souhaite ajouter un dernier exemple, celui du vivre ensemble : "Plus nos sociétés se décomposent, plus elles se fracturent, plus elles se partitionnent, plus les tensions identitaires sont vives, plus le sentiment de devenir étranger chez soi se radicalise. Au même moment, la propagande du vivre ensemble n'a jamais été aussi forte. On cherche à tout prix à nous faire avouer que nous vivons dans le meilleur des mondes. Tout cela mis ensemble crée un environnement idéologique et médiatique assez toxique. Oui, il est contesté mais ça ne veut pas dire qu'il cherche à se maintenir à tout prix". Il commente ainsi le résultat des élections européennes et leur observation par les médias : "Le système médiatique tend à opposer le progrès lumineux à la lèpre nationaliste". Et de conclure : "On condamne au nom de la démocratie libérale la représentation du peuple".
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