Le gouvernement a décidé de réduire de 5 euros par mois les aides au logement (APL), c’est ce qu’a annoncé ce samedi le ministère de la Cohésion des territoires. 6 millions et demi de foyers, dont 800 000 étudiants, sont concernés par cette réduction qui s'inscrit dans une volonté d’allègement des dépenses publiques. Depuis l’annonce, les critiques fusent dans une partie de la classe politique mais aussi chez les syndicats étudiants. Du côté du ministère, on rejette toute responsabilité en affirmant que la mesure avait été décidée sous le gouvernement précédent. Notre invité Christian Eckert (Ancien secrétaire d’État chargé du budget) a tenu à démentir cette affirmation.
Bonjour Christian Eckert, est-ce que vous maintenez ces accusations ?
Écoutez, les accusations viennent du gouvernement qui nous montre un texte de loi, un décret qui disent que les APL baissent de 60 euros par allocataires à partir du mois d’octobre. Jamais le gouvernement précédent n’a pris une telle décision. Il en a pris d’autres avec le Parlement, en toute transparence, mais il n’a pas décidé cette baisse uniforme, ce coup de rabot. Je ne sais pas combien de temps va durer cette espèce d’habitude qui commence à se prendre dans ce gouvernement de communication où il n’y a d’ailleurs pas de ministre du logement. Tout ceci me paraît vraiment comme un refus d’assumer cette décision. Moi, je ne conteste pas cette décision sur le fond, il y aurait beaucoup à dire, ce que je conteste, c’est le fait qu’on la mette à la charge du précédent gouvernement. Vous savez, ce dernier a pris ses responsabilités, il a d’ailleurs payé pour ça car nous avons pris des décisions impopulaires parce qu’il fallait réduire les déficits. Et nous les avons réduits de moitié. Mais jamais, nous n’avons diminué une prestation…
...mais est-ce que cela avait quand même été évoqué ?
Oui, oui, ç'a été évoqué mais ça l’est depuis des années. Les administrations, à Bercy ou ailleurs, proposent toujours des mesures diverses à leurs ministres mais heureusement ce sont les ministres qui décident et, le cas échéant, le Parlement qui a la main. Je trouve d’ailleurs les députés LREM particulièrement silencieux sur ce sujet. Je laisse à ce gouvernement l’opportunité de prendre ces décisions, ils ont été élus à la régulière , je ne suis plus à Bercy. C’est à eux de faire leurs choix. Mais, qu’ils les assument politiquement devant les électeurs en toute transparence. Qu’on nous trouve un texte qui dit que chaque allocataires perd 5 euros. Nous avions, et cela a été décrit parfaitement par Emmanuel Cosse, décidé de prendre en compte le patrimoine des ménages pour les nouveaux allocataires...
...c’est rare quand même que l’on parle en euros quand il s’agit d’une baisse d’allocation, d’habitude on parle en pourcentage. Cela représente, en moyenne, entre 1 et 5 %, c’est ça l’injustice dans cette mesure ?
L’injustice, c’est qu’elle ne tient pas compte des situations individuelles. Je le répète, nous avions décidé de prendre en compte le patrimoine des allocataires. C’était une opération techniquement lourde qui est aujourd’hui en vigueur. Celui qui a un patrimoine important, même s’il a de faibles revenus, on lui dit "faites appel à votre patrimoine plutôt qu’à la solidarité nationale". Nous avions également décidé que celles et ceux qui payaient l’ISF n’auraient plus droit à l’allocation logement. Cette mesure n’a pas été mise en œuvre, faute d’un décret mais le gouvernement peut très bien le faire. Mais jamais nous n’avons diminué la prestation, de façon uniforme en euros, de tous ceux qui en ont bénéficié.
Quand vous étiez à Bercy, vos rapports avec votre ancien collègue Emmanuel Macron étaient déjà compliqués, est-ce que c’est une manière aujourd’hui pour vous de lui rendre la monnaie de sa pièce ?
Encore une fois, un nouveau gouvernement est en place. c’est à lui de prendre ces décisions…
...par exemple, sur une mesure qui vous était chère, le prélèvement à la source, vous lui en voulez toujours d’avoir reporté cette mesure pour l’année prochaine ?
Ce n’est pas ma personne qui est en cause, je crois que c’est rendre un mauvais service aux Français. Celles et ceux qui ont des baisses de revenus n’auront pas de baisse d’impôts. Nous aurons toujours ce décalage dans le temps qui est une originalité, une spécificité française. Nous avions beaucoup travaillé pour le mettre en place, ce gouvernement décide, soit de le différer, soit de l’enterrer, nous le verrons plus tard et je le regrette. Ceci dit, c’est le jeu de l’alternance. Mais qu’on ne nous dise pas que c’est l’ancien gouvernement qui a pris cette mesure sur les allocations logement, ceci est un mensonge.
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