Dans son livre, Ces Français au service de l’étranger (éditions Plon), Clément Fayol, journaliste d’investigation, s’est intéressé aux Français "qui font partie de l’élite" et qui "défendent des intérêts étrangers", et notamment les raisons qui les poussent à rejoindre des cabinets privés. "Ce que je trouve intéressant", estime le journaliste, "c’est d’observer que les réseaux d’influence étrangers, ceux qui ont une visée d’ingérence quel que soit le domaine, trouvent assez facilement des porte-paroles, des poissons-pilotes, des guides, dans nos intérêts".
Si le fait que des personnes trouvent dans les élites des défenseurs de leurs intérêts n’est pas problématique, le souci survient "quand le pipeline du réseau étranger s’articule avec des personnes dont la vocation, à l’origine, n’était pas de défendre des intérêts étrangers mais de défendre les intérêts de leur pays".
Les élites trahissent "l’intérêt national qu’une partie d’entre elles semblent avoir perdu de vue"
"Mon sujet c’est dire : les élites sont le fruit d’un investissement collectif" et pourtant certaines de ces élites se retrouvent être "notre principale vulnérabilité en termes d’ingérence étrangère". Dans son livre, il parle d’une "nouvelle trahison" de la part de ces élites : celle de "l’intérêt national qu’une partie d’entre elles semblent avoir perdu de vue".
Des personnes "mobilisées sur les dossiers avec comme légitimité le poste qu’elles avaient avant"
Parmi les exemples du livre de Clément Fayol, il y a celui du cabinet ESL Networks qui a embauché "beaucoup d’anciens responsables" comme des diplomates. "Ce qui est assez flagrant, c’est que finalement ces personnes-là sont mobilisées sur les dossiers avec comme légitimité le poste qu’elles avaient avant." C’est un problème, pour le journaliste, car au final ces élites voient "dans la fonction qu’elles ont pour l’intérêt général un tremplin". En particulier grâce au carnet d’adresse et son influence.
"Ils ne voient pas le problème"
"Ce qui est assez frappant, quand on parle avec les uns ou les autres, c’est qu’ils ne voient pas le problème", déclare l’auteur. Pour autant, "je pense qu’à ce niveau-là on n’a pas le droit d’être naïf".
Par exemple, Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre, "fait mine d’oublier que la raison pour laquelle il intéresse la Chine c’est qu’il a été Premier ministre". Lorsqu’il fait ses interventions et qu’il encense certaines décisions chinoises, "il est intéressant non pas parce qu’il est extrêmement pertinent comme analyste géopolitique, mais parce qu’il a été Premier ministre d’un pays membre du Conseil de sécurité".
De plus, "ils arrivent à légitimer leur vassalité, le fait qu’ils défendent des intérêts étrangers, par le fait que d’autres puissances font la même chose".
"Quand on sort d’un cabinet ministériel, on ne sait pas faire grand-chose dans le privé"
Lors de ses rencontres, une de ces personnes lui a expliqué le pourquoi du comment : on ne décide pas d’aller dans un cabinet d’influence du jour au lendemain. Pour Clément Fayol, "quand on sort d’un cabinet ministériel, on ne sait pas faire grand-chose dans le privé". De fait, lorsque le mandat se termine, ils n’ont pas beaucoup de débouchés dans le privé et leur valeur se trouve dans le fait de "guider" d’autres personnes "dans les institutions qu’il a connues avant".
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