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Elisabeth Levy: "Les différences culturelles ne sont pas solubles dans les bons sentiments"

Chronique

Les mots du dimanche sont de sortie. Heures les plus sombres, rhétorique fasciste, clins d’oeil à l’extrême droite, les perroquets du bien se sont mis comme un seul homme en mode « ami entends-tu » ­- ça je l’ai piqué dans un tweet de Goldnadel. La raison de ces appels à la mobilisation générale (uniquement numérique, je vous rassure, personne n’a pris les armes), c’est l’organigramme de la Commission européenne dévoilé mardi par Ursula Van Leyen : le commissaire en charge du portefeuille “Migrations, Affaires intérieures et Citoyenneté” est désormais appelé « Commissaire à la Protection de notre mode de vie européen » en charge des questions migratoires.

Protéger notre mode de vie et pire encore, sous-entendre qu’il pourrait être menacé par une immigration massive venue d’autres cultures que la nôtre, voilà qui pour certains est scandaleux. Aussi ont-ils entonné la ritournelle de l’immigration qui est notre chance et dénoncé la prétendue indifférence européenne à l’égard des migrants –alors que, depuis 2016 les Européens ont accueilli plus d’un millions de demandeurs d’asile et que la question est en tête de l’agenda de l’Union.

Curieusement, ceux qui s’offusquent aujourd’hui sont aussi ceux qui dénoncent une Europe lointaine, indifférente aux préoccupations des populations. En effet, si une grande partie des élites, à l’abri derrière les frontières invisibles de ses beaux quartiers et des écoles privées de ses enfants, fait l’apologie de l’accueil inconditionnel, les peuples, en particulier les classes populaires, sont beaucoup plus réservées, voire franchement hostiles en Europe de l’Est.

Notre devoir d’accueil ne saurait être illimité. L’Europe prend sa part de la misère du monde. Quant au droit d’asile, qui établit un devoir sacré d’hospitalité envers le frère humain persécuté, il est dévoyé pour devenir une filière normale de l’immigration puisque pour l’essentiel, ceux qui n’obtiennent pas le statut de réfugié restent en Europe.

Or, quoi qu’en disent les dénégateurs, cette immigration a des conséquences sur notre vieux pays. Les êtres humains ne sont pas interchangeables et nos vieux pays ne sont pas des halls de gare. Pour une partie des migrants venus de Syrie ou d’Afghanistan, la liberté des femmes est une provocation. Ce choc culturel peut donner Cologne où, le 31 décembre 2015, des dizaines de femmes ont été agressées. D’autres arrivent imprégnés de l’antisémitisme qui a cours chez eux, au point que l’Allemagne a envisagé de faire signer aux demandeurs d’asile un engagement à ce sujet….

Comme l’a montré Christophe Guilluy la peur de devenir culturellement minoritaire chez soi est un sentiment banal et légitime. Nous voulons voir des femmes libres dans les rues de nos villes, de même que nous voulons des charcuteries, des bistrots et des journaux qui se moquent de tout. C’est tout cela que nous offrons aux arrivants, pas seulement notre merveilleux modèle social.

Or, comme le déplore dans Causeur Ayyam Sureau, présidente de l’association Pierre Claver, qui s’occupe de l’insertion des réfugiés, nous ne leur demandons rien. Au contraire, faites comme chez MacDo et venez comme vous êtes. Eh bien, ça ne marche pas. Les différences culturelles ne sont pas solubles dans les bons sentiments. Nous voulons bien accueillir, mais à condition que les nouveaux arrivants s’adaptent à nos petites manies et à nos grandes traditions. Les arbitres des élégances morales ne cessent à l’inverse d’expliquer que l’Europe doit s’adapter et même s’effacer pour être à la hauteur de sa mission. Leur fausse générosité est très méprisante pour l’étranger qui serait incapable pensent-ils d’aimer notre culture. Et franchement agaçante pour le populo, taxé de racisme quand il dit qu’il ne se sent plus chez lui. Sans compter qu’ils finiront par amener au pouvoir ce populisme qu’ils prétendent combattre.

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