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Laurence Blisson : "On est dans une tentative d’enfumage"

Par Benjamin Rieth

Lors de sa conférence de presse mercredi, François Fillon s'en est pris à la justice, affirmant "faire l'objet d'un traitement singulier". Laurence Blisson, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature, lui a répondu jeudi matin sur Sud Radio. 

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François Fillon en a remis une couche, hier, lors de sa conférence de presse pour répondre à sa convocation en vue d'une mise en examen. Le candidat Les Républicains a réaffirmé "faire l'objet d'un traitement singulier" de la part de la justice, dénonçant la rapidité de la procédure. Face à ces accusations, Laurence Blisson, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature et invitée du Grand Matin Sud Radio, a déploré une "tentative d'enfumage" et rappelé le principe d'égalité devant la loi.

Sud Radio : François Fillon estime que depuis l’ouverture d’une information judiciaire, la justice travaille à charge contre lui, comme s’il n’était pas un citoyen ordinaire. Que répondez-vous ?

Laurence Blisson : Ces déclarations démontrent qu’il ne veut pas être un citoyen ordinaire. Il ne veut pas d’un principe fondamentale dans une démocratie qui est le principe d’égalité devant la loi. C’est devenu tristement classique, on a des propos d’un violence absolue. On parle d’assassinat en visant une procédure pénale qui a été initiée suite à des révélations qui laisseraient penser que des infractions pénales auraient pu être commises. Il faudrait que la justice n’agisse pas ? Pour quelles raisons ?

L’enquête préliminaire, ouverte au lendemain des révélations du Canard Enchaîné, a été bouclée en un mois. Ensuite, une semaine après l’ouverture de l’information judiciaire, François Fillon a reçu une convocation. La justice travaille-t-elle en urgence sur le dossier Fillon ?

La justice a l’habitude de travailler vite. [...] Le Parquet national financier a été créé précisément pour que les infractions économiques et financières ne soit pas enterrées faute de moyens. Lorsque vous avez une atteinte potentielle à la probité, il est logique que des investigations soit menées dans un délai qui permette d’avoir des éléments à charge et à décharge. C’est étonnant parce que François Fillon disait, au début de cette affaire, qu’il voulait que la justice travaille vite. Aujourd’hui, il s’en plaint parce qu’une ouverture d’information judiciaire a été faite et qu’il va être convoqué devant des juges. Mais être convoqué devant des juges c’est avoir accès au dossier, avoir la possibilité de se défendre. C’est cela l’État de droit.

Mais dans le débat public, être mis en examen revient quasiment à une procédure de plaider-coupable.

Il est convoqué aux fins de mise en examen. Si les juges d’instruction estiment qu’il n’y a pas les indices graves ou concordants qu’il ait commis les infractions pénales qui sont visées, il ne sera pas mis en examen. On est dans une tentative d’enfumage qui utilise des techniques communes avec celles employées par Marine Le Pen il y a quelques jours. C’est-à-dire discréditer la justice, se prétendre victime d’un complot. En réalité, le fond du problème c’est que François Fillon, et certains dans la classe politique, estiment devoir bénéficier d’une impunité. Et bien non ! Le principe d’égalité, c’est de dire : quelque soit la situation de ces personnes […] elles ne doivent pas bénéficier d’une impunité. Dans quelle démocratie, accepterait-on de dire que la justice ne doit pas enquêter sur ces faits dénoncés publiquement et évoqués dans la presse ?

Justement, on apprend jour après jour dans la presse l’avancée de l’enquête. François Fillon a-t-il raison de se plaindre, de dire que c’est anormal que la presse se fasse l’écho du travail des juges ?

Évidemment, les enquêtes, par principe, ne sont pas menées publiquement. Dans le cadre de l’instruction, il y aura une protection supplémentaire puisque cela relèvera du secret d’instruction. Maintenant, c’est une réalité tellement ancienne qu’il n’y a pas grand-chose à dire sur cette question. Simplement, ce n'est pas acceptable que François Fillon fasse cette attaque en règle contre la justice et qu’il tienne des propos sidérants de la part d’un ancien Premier ministre et de quelqu’un qui brigue le poste de président de la République. Je rappelle que le président, dans notre constitution, est le garant de l’indépendance de la justice. On est vraiment dans une volonté d’être protégé [...] qui n’est pas acceptable. Il y a des règles dans une démocratie. La séparation des pouvoirs, ce n’est pas dire : lorsqu’on est candidat à une élection présidentielle, rien ne peut nous arriver et aucune enquête ne peut être menée lorsqu’il y a des suspicions d'infraction pénale. François Fillon va pouvoir se défendre. Une information judiciaire, c’est une procédure contradictoire dans laquelle on a accès au dossier, dans laquelle on peut faire des recours. Marine Le Pen parlait de "cabale d’État", je crois qu’il y a une cabale contre la justice. C’est dangereux parce que cela laisse penser à nos concitoyens qu’il y a un problème, que la justice n’est pas impartiale. C’est extrêmement délétère dans une démocratie.

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