Auteur du livre Être postmoderne, Michel Maffesoli était l’invité politique de Michaël Darmon ce samedi pour évoquer le rapport d’Emmanuel Macron à la post-modernité, concept qu’il étudie depuis plusieurs années maintenant. Il évoque notamment autour du président actuel un pouvoir "iconomique". "Cela signifie qu’il met en scène les choses. Ce qui est important, c’est l’image. J’analyse la post-modernité, l’époque qui est en gestation, et d’une certaine manière le président Macron a pu se reconnaître dans l’émergence de ce monde post-moderne", explique-t-il.
"Le "en même temps" est l’une des marques rhétoriques, des spécificités de l’époque en gestation. Il n’y a pas une vérité mais des vérités plurielles. Emmanuel Macron, qu’on le veuille ou non, a des sincérités successives. Quand il s’adresse à telle petite tribu, il dit ce qu’elle veut entendre. (…) Macron est un bon renifleur, il renifle ce qui est dans l’air du temps, et l’air du temps n’est plus simplement rationnel. Dans la tradition française, depuis Descartes, Malebranche, jusqu’à Jean-Paul Sartre, l’image était la folle du logis, ce qui ne permettait pas le bon fonctionnement du cerveau. Toute notre tradition intellectuelle et culturelle a toujours eu une méfiance vis-à-vis de l’image. Emmanuel Macron a reniflé qu’il y avait une rébellion de l’imaginaire. Ça peut être le crayon sur le cercueil de d’Ormesson, ça peut être aux Bernardins, etc. À chaque tribu, il va apporter une image", ajoute-t-il.
"D’une certaine manière, Macron joue le rôle de Louis XIV"
Pour cet enseignant à la Sorbonne, Emmanuel Macron présente certes des caractéristiques de la post-modernité, mais également des marques de filiation avec la grande tradition française. "Je suis consulté par pas mal de ses proches, et je n’ai pas honte de dire qu’à la fois il respire des choses, et en même temps c’est un énarque… Il s’inscrit donc aussi dans la vieille tradition française franchouillarde depuis les grands commis de l’État et le colbertisme. Je suis par exemple en train de lire ce qu’il se passe au 17ème siècle, avant que Louis XIV ne devienne le roi absolu. Il y a alors la Fronde, avec les petites tribus ! D’une certaine manière, Macron joue le rôle de Louis XIV, dans la lignée des grands commis de l’État et du colbertisme, qui va évacuer les corps intermédiaires. Aujourd’hui, ce n’est plus la noblesse mais les syndicats et les partis", indique-t-il.
Alors que le chef de l’État s’est distingué depuis un an par certaines formules qui ont beaucoup fait parler ("poudre de perlimpimpin", "croquignolesque"…), Michel Maffesoli n’est pas étonné par cette habitude. "Le mot, c’est le berger de l’être, et Albert Camus disait que mal nommer les choses contribuait aux malheurs du monde. Macron a compris l’importance du mot. Notre espèce animale n’est ce qu’elle est que parce que ça parle, ça tchatche. Il faut donc trouver les mots pertinents, et de ce point de vue il a le nez creux. Il n’a pas peur de faire référence à des mots apparemment désuets, mais qui sont du coup réactualisés", déclare-t-il.
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