La ministre de la Justice Nicole Belloubet a annoncé que le pays allait se doter d'un parquet national antiterroriste afin de renforcer la lutte contre la "menace sans commune mesure" du terrorisme jihadiste, qui a déjà tué 241 personnes sur le territoire depuis 2015. Une décision que dénonce Laurence Blisson (Secrétaire générale du Syndicat de la magistrature).
"Une opération de communication"
Invitée de Véronique Jacquier ce lundi dans le Grand journal de 18h, elle nous explique pourquoi elle est contre la création de ce nouveau parquet. "Je ne suis absolument pas favorable (au Parquet national antiterroriste). On est là dans une opération de communication qui consiste à prétendre qu'il n'existe pas déjà, au sein du Parquet de Paris, une section qui est spécialement dédiée au traitement de ces affaires terroristes", indique-t-elle. "On prétend avoir une espèce de solution miracle qui consisterait à avoir un nouveau procureur national. Ça ne change concrètement rien en termes d'efficacité, ça pourrait parfois même nuire (...) et surtout cela irait dans le sens d'une plus grande logique d'exception : on crée un Parquet et puis peut-être que l'on reviendra à des juridictions d'exception comme elles existaient au début des années 80", ajoute-t-elle en affirmant que l'on est "sur une pente qui n'est pas souhaitable" car "ça n'est ni efficace, ni une bonne idée", selon elle, rappelant au passage que "le procureur François Molins y était d'ailleurs opposé".
"Pour notre part, on dit qu'il faut savoir allier compétences, proximité du terrain et envisager plutôt des formes de décentralisation avec des juridictions régionales", poursuit-elle, insistant sur le fait qu'avec ce parquet autonome, "il n'y aura pas plus de moyens". Il y a en outre un risque de voir "une plus grande dépendance vis-à-vis du pouvoir politique parce qu'il y aurait un procureur national qui serait nommé dans les mêmes conditions que les procureurs aujourd'hui", alors que "cela devrait être au Conseil supérieur de la magistrature de proposer des noms et non pas au ministre de la Justice", selon elle.
Et l'intéressée de dénoncer au passage l'attitude trouble de François Molins, en relevant ce qu'elle juge être "une coïncidence assez troublante en termes d'agenda". "Ce qui se passe en fait, c'est qu'il a atteint les sept années d'activité en tant que procureur de la République de Paris, cela veut dire qu'il va devoir quitter cette fonction là. Curieusement, au même moment, est créé un poste de procureur national antiterroriste avec, tout à coup, celui qui était un opposant à cette mesure qui devient très taisant", constate-t-elle ainsi, qualifiant ce comportement d''"assez étonnant". "On peut penser que c'est une forme de parachute pour François Molins", conclut-elle.
>> Retrouvez l'intégralité de l'interview de Laurence Blisson, invitée du Grand Journal de 18h