Que penser de la prise de parole d’Emmanuel Macron aux "20 heures" de France 2, le 23 juillet 2024 ? Pour Pascal Lardellier, on est face à ce que les sciences sociales appellent une parole performative.
Pascal Lardellier : "Hier soir, c'était une parole un petit peu monarchique"
"Hier soir, il a effectivement pris acte pour la première fois dans un éclair de lucidité de ce qui était en train de se passer. Mais rien n'est résolu pour autant. C'est vrai qu'on va entrer dans une magnifique séquence monarchique : les dîners fastueux, les cérémonies planétaires, tout ce que les spécialistes appellent les média rituels… La planète entière aura les yeux braqués sur Paris. Mais c'est vrai que la parole présidentielle, hier soir, c'était une parole un petit peu monarchique : ‘j’accepte, j'accepte pas, je verrai’… Et puis c'est une parole qui se voudrait être performative, c'est-à-dire que c'est une parole qui voudrait transformer la réalité par sa simple énonciation. Mais les Gaulois réfractaires, je ne suis pas certain qu'ils vont se laisser donner la leçon de la sorte", a répondu Pascal Lardellier.
"Vous savez que Paris est en état de quasi-siège"
Pour Pascal Lardellier, la France est dans un véritable psychodrame, et au plus mauvais moment. "C’est vrai : malheureusement, la politique est abîmée par ces calculs, par ces compromis qui sont quand même souvent des compromissions. Et c'est vrai que l'histoire, avec son temps long, nous dira un petit peu la réalité de cette époque. Mais je reviens au terme que j'employais tout à l'heure : le pays est dans un véritable psychodrame, et au plus mauvais moment, puisque la planète entière a les yeux braqués sur lui. Et puis on espère que cette cérémonie d'ouverture va être absolument merveilleuse. Mais il y a déjà des commentaires et des oppositions sur l'image qu'elle donne de ce qu'est ou de ce que devrait être le pays. Et puis, les JO, ça devrait être une trêve sacrée d'enchantement, d'enthousiasme. Eu égard au prix des places dans un premier temps et aux contraintes d'accès aux stades ensuite, je crois que pour beaucoup de Français, les JO, ça va être à la télé quand même. Vous savez que Paris est en état de quasi-siège. J'espère ne pas faire scandale en le disant comme ça."
"Les partenaires sociaux sont agacés par un président commentateur favori soit de ses actions, soit de son inaction"
"Finalement, que nous reste-t-il cet été ? Je vais parler en sociologue ou en anthropologue. Il nous reste des interstices de sociabilité légère : des festivals, des ferias, des cousinades, des moments où on va se retrouver. On a loué une maison, on est au camping… Et puis, ces petites bulles de sociabilité légère qui seules vont pouvoir nous permettre de sortir la tête de ce psychodrame. Mais je le répète, la rentrée devrait être, me semble-t-il, chaude. Puisque, quand même, tout se paye, et il devrait y avoir un retour du refoulé, de certains Français qui s'estiment lésés. Et puis de partenaires sociaux qui sont agacés par un président qui est quand même le commentateur favori soit de ses actions, soit de son inaction. C'est vrai que ça, ça exaspère énormément. On le voit sur les chaînes d'info en continu, on le voit sur les réseaux sociaux… Donc, courage, sourions, mais il n’est pas évident de garder espoir dans une société fracturée, abîmée, qui se méfie", a conclu Pascal Lardellier.
Retrouvez "Les grands débats du matin" chaque jour à 9h05 dans le Grand Matin Sud Radio
Cliquez ici pour écouter "Les grands débats du matin"