Philippe Juvin : "La vraie question est de savoir si c’était un dîner de travail ou si c’était une réunion d’ordre partisane"
Emmanuel Macron a été confirmé positif à la Covid-19 jeudi 17 décembre 2020. La veille au soir, un dîner de travail était organisé avec plusieurs ministres, ce qui a été reproché par certains. "Il faut arrêter ces querelles et d’abord il faut lui souhaiter de se rétablir", estime Philippe Juvin, Professeur de médecine. "C’est le Président, rappelle-t-il, je veux dire par là que pour conduire les affaires de la France il est normal qu’il puisse, lui, faire des dîners à plus de six personnes". "La vraie question est de savoir si c’était un dîner de travail ou si c’était une réunion d’ordre partisane, ce qui là pose plus de problèmes."
"Je pense qu’il n’y a pas d’imprudence" de la part d’Emmanuel Macron, estime le maire LR de la Garenne-Colombes, notamment car "le Président doit pouvoir voir des gens sinon il ne peut pas présider". "La question que je pose c’est : est-ce que c’était vraiment un dîner de travail ou est-ce que c'était un dîner partisan ?"
Cas contacts du Président : "Si on suit les recommandations, malheureusement ces gens vont rater Noël"
Le chef de l’État s’est isolé dans la résidence officielle de La Lanterne, à Versailles. Quant à savoir s’il y a un protocole spécial pour le soigner ou tout du moins suivre sa maladie, Philippe Juvin confie l’ignorer. "Ça ne me choquerait pas : il y a dans la conduite des affaires de l’État des gens qu’il faut surveiller plus." Il souligne par exemple que la Commission européenne "dans ses recommandations de vaccination" inclut les personnes fragiles, le personnel soignant mais également "ceux qui conduisent l’État" dans la liste des personnes qui doivent "être vaccinées en priorité".
Philippe Juvin confirme que tous les cas contact du Président, notamment le Premier ministre Jean Castex, "devront rester isolés 7 jours" et réaliser un nouveau test à l’issue de cette période. "Si on suit les recommandations, malheureusement ces gens vont rater Noël", souligne le chef du Service des Urgences de l’Hôpital Pompidou.
"L’épidémie n’est pas contrôlée, d’ailleurs, elle ne l’a jamais été"
Les contaminations, en France, ont recommencé à augmenter. "Le virus n’est pas du tout contrôlé, juge le professeur. L’épidémie n’est pas contrôlée, d’ailleurs, elle ne l’a jamais été en réalité. Le virus continue à courir plus vite que nous, ce qui a pour conséquence des situations tendues, y compris dans les hôpitaux". La France n’a pas connu une nouvelle "décrue" : "nous avons une sorte de plateau qui n’en finit pas de ne pas baisser".
En Île-de-France, explique le chef du Service des Urgences de l’Hôpital Pompidou, le fonctionnement n’est toujours pas revenu "à la normale, avec 17% des lits qui restaient déprogrammés". "Les hôpitaux aujourd’hui en Île-de-France, pour ce que j’en sais, ne sont pas revenus à un mode de fonctionnement normal. On a encore des lits fermés, en tout cas déprogrammés pour les activités normales, ce qui va poser un problème". Certains hôpitaux, souligne Philippe Juvin, comme celui de Mantes-la-Jolie, sont "en tension".
Les fêtes de Noël et du jour de l’An, même si le 31 décembre 2020 le couvre-feu sera en vigueur, présentent un risque. "Un des risques des fêtes de Noël, c’est justement la proximité, la promiscuité qui pourraient relancer l’épidémie." Il rappelle que "les Américains ont connu ça avec Thanksgiving".
"Nous n’avons toujours pas de médicament qui tue le virus, et ça c’est un vrai sujet"
Néanmoins, Philippe Juvin confie que "les services hospitaliers savent aujourd'hui mieux traiter les patients qui sont positifs". "On a identifié cette fameuse phase inflammatoire", qui se soigne entre autres par des corticoïdes, ce qui permet de diminuer "la fréquence des formes graves". "Et on donne également des anticoagulants" pour fluidifier le sang car "c’est une maladie à tropisme vasculaire".
Des médicaments qui, malheureusement, ne font que diminuer "les conséquences" mais qui "ne les annulent pas". "En revanche, nous n’avons toujours pas de médicament qui tue le virus, et ça c’est un vrai sujet."
Auto-tests : "Il vaut mieux tester massivement même avec des tests un peu imparfaits"
Des campagnes de tests massifs sont lancées : "il faut tester tout le monde, réaffirme Philippe Juvin. Si vous ne testez pas toute la population et vous testez, comme au Havre, la moitié de la population, c’est comme si dans un immeuble vous aviez des souris et que vous décidiez de tuer les souris un étage sur deux", en reprenant la métaphore du Professeur Catherine Hill qui est épidémiologiste. Une stratégie inutile car les souris proliféreront entre les deux étages désinfectés.
"J'appelle à tester toute la population, insiste-t-il. Il faut réfléchir différemment. Les tests PCR nécessitent des rendez-vous en laboratoire, du personnel spécialisé pour prélever, les 24 à 72h de remise de résultat. Aux États-Unis, la grande nouveauté est que deux auto-tests à faire soi-même chez nous, avec un résultat en 15-30 minutes, ont été commercialisés. Je suis favorable à ce qu'on multiplie ces auto-tests pour que les gens puissent se tester tous les jours, avant d'aller travailler, voir des amis, aller au restaurant si les restaurants ouvraient. Pour lui, il vaut mieux tester massivement même avec des tests un peu imparfaits que tester tous les 30 jours. Personne ne peut dire que les auto-tests, qui ne sont pas encore autorisés en France, ne sont pas une bonne idée !"
"Pourquoi ne pas mobiliser l'armée pour la campagne de vaccination ?"
Serons-nous mieux organisés, au printemps, pour les vaccins ? s'interroge Patrick Roger. "Sur le vaccin, il y a deux sujets, estime Philippe Juvin. Le premier est la confiance : il faut expliquer aux gens pourquoi c'est important de se vacciner, mettre tout sur la table, les effets secondaires, les effets bénéfiques. L'intérêt du vaccin, c'est que vous n'aurez plus à choisir entre votre santé et votre liberté !
Mais la vaccination est aussi et d'abord une question logistique ! explique-t-il. Il faut confier la vaccination à des logisticiens. Il faut que l'État s'entoure d'aides qu'il n'est pas capable lui-même de mettre en œuvre, en particulier des logisticiens privés ou l'armée ! Si on ne se donne pas les moyens d'une stratégie vaccinale massive et intelligente, on y est encore pour un certain temps".
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