Le gouvernement a fait de la lutte contre le narcotrafic son cheval de bataille, porté par le duo Darmanin-Retailleau, respectivement ministre de la Justice et ministre de l’Intérieur. Une proposition interroge, toutefois : la volonté de Gérald Darmanin de renforcer les contrôles sur les narcotrafiquants en prison.
La prison de Rebibbia en Italie "c’est un enfer carcéral"
Maître David Metaxas, avocat en droit pénal, est, entre autres, l’avocat du mafieux Edgardo Greco, condamné en 2006 et qui était en cavale en France après s’être échappé d’une garde à vue en Italie. Il avait été arrêté en 2023 à Saint-Étienne. "Ça fait deux ans qu’il est incarcéré dans les environs de Lyon", confirme l’avocat. Sous le coup d’une demande d’extradition vers l’Italie, il pourrait, le cas échéant, rejoindre une prison très particulière, le centre de Rebibbia, à Rome, pensé pour les personnes condamnées pour mafia. "Il a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité", confirme Me Metaxas qui assure que le centre de Rebibbia est "le lieu de destination". "C’est pour ça que l’Italie réclame à corps à cris depuis deux ans son extradition." Or, Gérald Darmanin a justement fait un déplacement à Rebibbia le 3 février 2025.
Le centre de Rebibbia, qui dispose d’une réputation de prison dure, est au centre de toutes les attentions du Garde des Sceaux. "Moi, je n’ai jamais eu l’occasion d’y aller", confie Maître Metaxas, "mais j’en ai entendu parler par des clients, et par des collègues italiens". "C’est un enfer carcéral", dénonce l’avocat. "Les détenus sont soumis à un isolement complet. Ils ont le droit à une heure de sortie pour respirer dehors par jour. Ils n’ont aucun contact, pour certains, avec l’extérieur. Ils ont des parloirs hygiaphones", détaille l’avocat. Tout est filmé et enregistré, y compris le seul coup de téléphone mensuel auquel ils ont droit. "Ils deviennent fous. Pour ce que j’ai pu constater, après des années d’isolement, l’homme qui est entré en prison n’est évidemment pas le même que celui qui en sort."
Autre point particulier de cette prison, le personnel pénitentiaire est choisi spécialement et est formé en conséquence. "Avec des rotations régulières tous les trois quatre mois pour éviter que les détenus créent des liens avec ces surveillants", rajoute Maître Metaxas. "En fait, il n’y a plus d’humanité." Ces conditions carcérales, si elles sont nécessaires et compréhensibles, conduisent à créer des "prisons qui sont inhumaines".
Prison pour les narcotrafiquants : "la réponse italienne n’est pas appropriée"
In fine, "l’objectif c’est de les faire craquer", souligne l’avocat, afin qu’ils dénoncent leurs complices et collaborent avec la justice. "Je sais que les ONG dénoncent le traitement", rappelle Me Metaxas. "À juste titre." "Ça ressemble à une forme de torture psychologique." Or, tient à faire remarquer l’avocat, la torture est contraire à la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Sans compter que la mafia italienne est une organisation très particulière, avec ses codes et ses institutions. Alors que Gérald Darmanin s’intéresse à la prison de Rebibbia pour potentiellement s’en inspirer, Maître David Metaxas prévient : "en France, on a pas besoin de fantasmer les choses : on en est juste pas encore là". Le narcotrafic est surtout le fait "de jeunes de banlieue. Ce sont des gamins". Si ça n’enlève rien à la dangerosité des narcotrafiquants, parfois armés, "on est pas dans la même culture", explique l’avocat.
Alors que le ministre de la Justice prétend que le narcotrafic en France fonctionne comme en Italie, Maître Metaxas dénonce un mensonge. "La DZ Mafia, ce sont des jeunes de 20 ans." "C’est fini les Caïds comme Darmanin le présente. C’est terminé. Ils sont tous tombés : soit ils sont morts, soit ils sont en détention." Pour lui, c’est simple : "la réponse italienne n’est pas appropriée".
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